Le prix de la réconciliation

Publié le 6 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

Qui l’eût cru ? Le rêve de Félix Houphouët-Boigny devient réalité. Yamoussoukro sera bel et bien la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. Les railleries d’hier fustigeant les fantasmes d’un vieil homme se sont tues et font place au concert des marteaux-piqueurs. Comme se sont dissipés les quolibets qui ont accompagné la naissance de la basilique Notre-Dame-de-la-Paix, en son temps consacrée « plus grande église chrétienne du monde », « Saint-Pierre de la brousse » ou « le Vatican dans la jungle ». Le transfert de la capitale d’Abidjan au village natal du « Vieux » ne fait plus débat. Ni au sein des opposants d’hier, ni, encore moins, chez ceux qui se réclament de l’houphouétisme, qu’ils s’appellent Henri Konan Bédié ou Alassane Dramane Ouattara.
Les projets fédérateurs sont suffisamment rares et les échéances par trop préoccupantes, voire inquiétantes, pour que ce transfert ne transcende les clivages politiques, ethniques ou régionalistes. Et ne se place au-dessus d’une situation pour le moins chaotique depuis bientôt quatre ans. Jeune Afrique vous en entretient assez chaque semaine ou presque pour ne pas saluer cette démarche aux allures de sursaut. Le président Laurent Gbagbo, sans doute, en son temps, l’adversaire le plus résolu d’Houphouët, n’est pas le dernier à applaudir. Il s’est approprié un projet qu’il qualifiait à sa naissance, en 1983, de « transfert coûteux à tous les points de vue », « injustifiable », de « lubie ancienne du vieux monarque », de « précédent dangereux qui pourrait être évoqué demain pour justifier tous les errements des futurs chefs d’État de la Côte d’Ivoire ».
Il revendique ce propos aujourd’hui encore. Mais n’en porte pas moins le projet du transfert revu et amendé par ses soins. Non sans réalisme. Il s’agit à ses yeux d’épargner les finances publiques, de rendre à Abidjan sa vocation initiale de pôle économique et régional. Et, peut-être et surtout, de mettre un terme à ces « errements » en dissuadant quiconque lui succédera aux affaires de faire de son village la capitale du pays. Sinon, il aurait lui-même pu élever à ce statut sa terre natale de Mama, dans l’arrière-pays de Gagnoa. D’aucuns verront dans cette nouvelle posture tout l’art politicien de Gbagbo. Sans doute y a-t-il un peu de cela, mais iraient-ils jusqu’à penser que ce dernier puisse confondre prochaine élection et prochaine génération ?
Une capitale ne se transfère pas du jour au lendemain. Il se passera du temps, beaucoup de temps, avant que Yamoussoukro ne se pare de tous les attributs d’une capitale. Non que l’agglomération souffre d’un manque d’infrastructures. Houphouët y a pensé et l’en a pourvu. Mais il en faut d’autres, plus fonctionnelles. D’autres qui mobiliseront l’énergie des enfants du pays et représenteront davantage qu’une simple opération de marketing politique pour telle ou telle chapelle partisane. Quelque chose qui ressemblerait à l’image qu’Houphouët a cherché, peu ou prou, à donner de lui : celle d’un père fondateur, garant de la paix, de la concorde et de l’unité du pays.

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