Centrafrique : le MCU fragilisé par la démission de l’un des siens ?
Début janvier, Abdoulaye Ibrahim a annoncé son ralliement à un groupe rebelle. Cadre du parti au pouvoir, il avait côtoyé le sommet de l’État et participé à des réunions confidentielles. En partant, il emmène une partie des secrets du MCU avec lui.
La fonction qu’il occupait ne disait sans doute pas l’influence qu’il exerçait à Bangui. Jusqu’au 2 janvier, Abdoulaye Ibrahim était le vice-président de la section jeunesse du Mouvement cœurs unis (MCU), le parti au pouvoir. Ce jour-là, il a choisi d’en claquer la porte, en énumérant les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision : « J’ai été profondément choqué et bouleversé par les exécutions extra-judiciaires de militaires et de civils centrafricains commandités dans les plus hautes sphères de notre parti, écrit-il au secrétaire exécutif du parti dans un courrier dont Jeune Afrique a obtenu copie. Les tortures, les kidnappings perpétrés par la police politique du MCU, les fraudes massives lors de l’élection présidentielle 2020-2021… ont détruit en moi toute illusion. »
Proche du puissant Sani Yalo
Si cette démission n’est pas anecdotique, c’est parce qu’Abdoulaye Ibrahim connaît bien le parti au pouvoir. Peu de temps après sa création par Faustin-Archange Touadéra, en 2018, il a activement œuvré à son implantation en France et en Europe. C’est à cette époque là qu’il a pris la tête de la section jeunesse. Surtout, il était devenu proche de Firmin Ngrebada, Premier ministre de février 2019 à juin 2021, et du puissant Sani Yalo.
Abdoulaye Ibrahim montre très clairement qu’il représente un danger pour le pouvoir
Sani Yalo est un personnage discret mais incontournable dans la capitale centrafricaine. Il a l’oreille du chef de l’État il et n’est pas rare qu’il soit qualifié de « conseiller spécial » dans les couloirs du palais de la Renaissance. Les deux hommes sont si proches que lorsque Yalo a été accusé par la Guinée équatoriale d’avoir participé à la tentative de coup d’État contre le président Obiang en décembre 2017, il a gardé la confiance de Touadéra.
La démission d’Abdoulaye Ibrahim, annoncée avec fracas, est donc un pavé dans la mare pour le clan présidentiel. « Il y a une grande inquiétude, explique le dirigeant d’une association de soutien au président Faustin-Archange Touadéra. Abdoulaye Ibrahim a participé à des réunions secrètes du parti, il en a côtoyé les plus hauts cadres et, en partant, il montre très clairement qu’il représente un danger pour le pouvoir. En plus, il a immédiatement rejoint un mouvement rebelle. »
Conseiller spécial d’un ex-Séléka
Abdoulaye Ibrahim devient en effet le conseiller spécial chargé des relations extérieures de Mahamat Alkhatim, un ancien général de la Séléka devenu chef du Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC). Sa nomination a pris effet le 31 décembre, trois jours avant son départ officiel du MCU. « Mahamat Alkhatim a perdu le gros de son arsenal de guerre, ainsi qu’une grande partie du territoire qu’il contrôlait et donc de son influence. C’est pour cela qu’il a choisi Abdoulaye Ibrahim. Il lui fallait quelqu’un connaissant la maison tout en ayant des attaches avec des alliés occidentaux », a expliqué à Jeune Afrique une source qui a requis l’anonymat.
On sait ce qu’il pèse vraiment. C’est de la poudre aux yeux
À Bangui, certains préfèrent minimiser l’impact de ce ralliement. « Si Abdoulaye Ibrahim pense que c’est la bonne voie pour accéder au pouvoir, c’est son choix, tranche Simplice Mathieu Sarandji, secrétaire exécutif du MCU. Mais on sait ce qu’il pèse vraiment. C’est de la poudre aux yeux. »
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