Que va faire l’Algérie ?

Depuis le gel du processus d’ouverture du capital de la quatrième banque publique, le CPA, la concurrence s’est accrue dans la région. Une nouvelle donne à prendre en compte avant de relancer un appel d’offres.

Publié le 5 mai 2008 Lecture : 5 minutes.

Pauvre gouvernement algérien. Malgré tous ses efforts, le recrutement d’un banquier conseil international, une procédure de présélection et l’ouverture des portes du Crédit populaire d’Algérie (CPA) aux prétendants à la reprise, il aura finalement dû renoncer à la cession de la banque publique, la première du genre. L’appel d’offres, pourtant, avait suscité l’intérêt de grands groupes. Sans surprise, les français BNP Paribas, Société générale, et même le Crédit agricole et la Banque populaire, mais aussi l’américain Citibank et l’espagnol Santander. Rien que du beau monde ! Cependant, arguant que la crise internationale des subprimes avait touché la plupart de ces établissements, le gouvernement algérien préférera suspendre au dernier moment l’opération. Annoncer une privatisation avant de faire machine arrière est une spécialité algérienne – largement testée sur Algérie Télécom -, mais jamais on ne sera allé aussi loin, les offres de reprise étant bouclées au moment de l’interruption du processus.
« Nous avons appris que le processus était suspendu une heure avant de déposer notre offre, souligne un haut responsable du Groupe Banque populaire. Pourtant, BNP et nous-mêmes étions tout à fait prêts à faire une offre élevée. » Un analyste ajoute : « Cette difficulté à privatiser n’est pas propre à l’Algérie. On l’a constatée dans tous les pays nord-africains pendant longtemps. Disons que l’Algérie est le dernier à y être encore confronté. » Pour cause, au moment où l’Algérie gelait la privatisation du CPA, trois de ses voisins nord-africains prenaient le contre-pied. La Tunisie a vendu en octobre la Banque tuniso-koweïtienne (BTK) au groupe français Caisse d’épargne pour 170,6 millions d’euros. La Libye, forte d’une privatisation réussie juste avant le déclenchement de la crise des subprimes (Sahara Bank, reprise par BNP Paribas), en a réussi une seconde, sept mois plus tard, en pleine crise, en parvenant à vendre 19 % du capital de la Wahda Bank à l’Arab Bank, pour 210 millions d’euros. Enfin, l’Égypte, malgré une opinion publique très réticente dans les premiers mois, devrait achever prochainement la cession de la Banque du Caire à un groupe étranger, bouclant ainsi sa deuxième très grande privatisation bancaire en moins de deux ans.
Une leçon pour l’Algérie ? « Le profil des investisseurs de la Banque du Caire est différent de celui des investisseurs du CPA, explique Mohamed Damak, analyste chez Standard & Poor’s. Pour le CPA, il s’agissait uniquement d’investisseurs européens et américains. Dans le cas de la Banque du Caire, il y a trois candidats du Golfe et deux Européens. » En Algérie, presque tous les établissements, hormis BNP Paribas et Banque populaire, ont été affectés par la crise du crédit qui s’est déclenchée à la mi-2007. Ainsi, une semaine avant l’interruption du processus de privatisation par le gouvernement algérien, Citibank, Santander et le Crédit agricole s’étaient officieusement retirés de la course. La Société générale, elle, semblait être aussi lourdement affectée par la crise. « C’est sans doute ce qui a posé un problème, explique le dirigeant du groupe Banque populaire. N’avoir plus que deux candidats français, même prêts à payer le CPA a prix fort, n’a pas plu aux Algériens. » En Égypte, en revanche, les candidats semblent peu affectés par la crise : Standard Chartered (essentiellement exposée sur l’Asie), National Bank of Greece (dont l’activité se limite pour l’essentiel à son pays) et trois établissements arabes, l’émiratie Arab Bank, la jordanienne Mashreqbank et le saoudien Samba Financial Group. « Ces banques ont une excellente capitalisation, une flexibilité financière qui leur permet, si besoin est, de lever de nouveaux fonds auprès de leurs actionnaires, ainsi qu’une forte capacité d’acquisition », avance Mohamed Damak. N’étant pas concernés par la crise du crédit, les repreneurs potentiels de la Banque du Caire n’ont donc aucune raison de se retirer de la course comme l’ont fait les candidats à l’acquisition du CPA.

« Pas de privatisation avant un bon moment »
L’erreur du gouvernement algérien, qui, évidemment, ne pouvait pas prévoir la crise internationale du crédit, n’a-t-elle pas été de limiter la liste des prétendants aux banques occidentales ? « Il y avait des critères de notation, de taille et de réseau d’agences, qui excluaient d’emblée nombre de candidats à la reprise, explique l’un d’entre eux. Mais ce n’est pas illogique : en cédant le CPA, les autorités voulaient attirer un établissement disposant d’une forte capacité technique, et non pas réaliser une belle opération financière. C’est pour cela qu’elles ne souhaitaient pas de candidats venus du Golfe. » Une position logique, donc, mais qui aura mené à l’échec.
L’éventuelle relance du processus de privatisation du CPA au cours du second trimestre a été évoquée par le ministre des Finances Karim Djoudi, au début de l’année 2008. La condition ? Avoir une visibilité sur l’état des comptes des banques préqualifiées. Quelques semaines plus tard, la ministre déléguée chargée de la Réforme financière, Fatiha Mentouri, précisait que si la décision de relancer la privatisation intervenait après juillet 2008, le processus serait repris depuis le début. Confirmant a posteriori les craintes algériennes, la situation de certains des établissements préqualifiés est critique. Outre une Société générale en pleine réorganisation managériale, Citibank a affiché 5,1 milliards de dollars de pertes au premier trimestre, tandis que Santander doit digérer l’acquisition de plusieurs filiales latino-américaines d’ABN Amro, qui lui aura coûté un total de 10,5 milliards de dollars. Du coup, ne serait-il pas opportun d’ouvrir la privatisation à des banques du Golfe modernes et bien gérées ? Autre possibilité évoquée dans la presse algérienne : céder la Banque du développement local (BDL), deux fois plus petite et donc susceptible d’intéresser des candidats moins exposés à la crise financière internationale, comme les banques arabes ou le groupe français CIC. Mais, comme l’explique un haut responsable du groupe des Banques populaires : « Les tensions politiques autour de la privatisation sont toujours très fortes. À la mi-avril, les autorités ont été très claires avec nous : il n’y aura aucune privatisation bancaire en Algérie avant un bon moment. »
Si le système bancaire algérien a largement progressé sur la voie de la modernisation (voir encadré), il lui faut encore accélérer la tendance en facilitant le ?développement d’un secteur privé bancaire de qualité. La période reste de toute façon porteuse. En 2006, la Bank of Alexandria a été cédée six fois sa valeur comptable, un multiple particulièrement élevé. En Libye, les cessions de deux banques ont rapporté 1,8 milliard d’euros. Quant aux autorités tunisiennes, elles ont réussi à susciter un tel intérêt de la part du groupe Caisse d’épargne que celui-ci a valorisé à 285 millions d’euros une banque qui ne comptait alors que trois agences. L’Algérie pourrait donc, sans trop de difficultés, obtenir aux alentours de 1,5 milliard d’euros pour les 51 % du CPA. Mais, fortes des pétrodollars, les caisses du pays ont davantage besoin d’expertise que de cash.

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