L’ambassadeur l’a enfin dit…

Le chef de la mission diplomatique française à Alger qualifie les événements de Sétif de « massacres épouvantables ». Mieux vaut tard que jamais.

Publié le 5 mai 2008 Lecture : 2 minutes.

C’est à « l’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de l’Algérie coloniale » que l’ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, a consacré un discours, à la fin d’avril, à l’université de Guelma. L’épisode en question, c’est bien sûr celui du 8 mai 1945, lorsque, dans la région de Sétif et Guelma, la répression d’une manifestation indépendantiste par les « forces de l’ordre », appuyées par des milices armées de civils européens, fit des milliers de morts – 45 000 diront les responsables nationalistes algériens, 15 000 assureront les sources les plus prudentes. Le diplomate a parlé d’« épouvantables massacres » où les responsables français ont toujours évoqué des « événements tragiques », en rappelant qu’ils avaient également fait des victimes européennes (102 exactement, 86 civils et 16 militaires).
Si ce discours a été fort remarqué, c’est parce que son contenu, sans précédent, fera date dans les rapports franco-algériens. Le prédécesseur de Bernard Bajolet, Hubert Colin de La Verdière, avait déjà parlé de « tragédie inexcusable » en février 2005, à Sétif. Mais ses propos, destinés d’abord à créer une atmosphère favorable alors qu’on négociait la signature d’un traité d’amitié franco-algérien auquel tenait beaucoup le président Chirac, avaient été vite oubliés à la suite du tollé provoqué par l’affaire de la loi française soulignant dans l’un de ses articles « les aspects positifs de la colonisation ». L’article en question sera assez vite abrogé. Mais il faudra près de trois ans et un changement à la tête de l’État français pour que s’apaise la colère suscitée par ce texte en Algérie. Ainsi, c’est seulement en décembre dernier, à l’université de Constantine, que Nicolas Sarkozy a fait un pas très significatif en qualifiant d’« impardonnables » ces « fautes et crimes du passé ». Mais cette fois, on est allé bien au-delà des discours convenus pour que cesse, comme l’a fort bien dit l’ambassadeur, « le temps de la dénégation ». C’est en effet la première fois, note l’historien Benjamin Stora, qu’un responsable français, de surcroît dans un discours écrit et donc avalisé au plus haut niveau, emploie le terme de « massacres » à propos des événements de Sétif, admet la « lourde responsabilité » de l’État français dans « ce déchaînement de folie meurtrière » et remarque que les « milliers de victimes innocentes » étaient « presque toutes algériennes ».
Il est probable que ce « geste », même si d’aucuns en Algérie considèrent qu’il est insuffisant, n’est pas sans rapport avec la réunion des chefs d’État qui doivent officialiser, le 13 juillet, le lancement de l’Union pour la Méditerranée. D’ici là, il fallait tout faire pour qu’Alger favorise le succès de cette initiative du président français. Les autres pays de la région n’ont aucune raison de faire preuve de retenue : la Tunisie abritera probablement le siège de la nouvelle organisation, l’Égypte devrait la présider et le Maroc n’a guère à se plaindre de la diplomatie française vu sa position dans l’affaire saharienne. Restait Alger, qui pourrait se sentir moins mobilisé par l’événement.

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