Des OGM pour sauver la Sofitex

Confrontée à un déficit chronique, la société se lance dans la culture de coton transgénique à grande échelle. Une première, qui n’est pas sans risques.

Publié le 5 mai 2008 Lecture : 2 minutes.

C’est une révolution agricole qui pourrait s’étendre à toute l’Afrique de l’Ouest qu’entreprend le Burkina. Après cinq années d’expérimentations, le pays s’apprête à mettre en culture 15 000 hectares de coton génétiquement modifié, soit un peu plus de 2 % de la surface cotonnière cultivée, lors de la campagne de semis 2008-2009, qui démarre actuellement. Pour la Société des fibres et textiles (Sofitex), qui réalise chaque année plus de 80 % de la production de coton burkinabè, le coton BT est une aubaine. « Il permet d’améliorer d’environ 30 % la productivité des parcelles, explique un proche du dossier. Plus résistant aux parasites, il permet aussi d’économiser quatre traitements insecticides à l’hectare (d’un coût unitaire de 4 400 F CFA lors de la précédente campagne, NDLR). » ?De quoi répondre aux difficultés financières de la société, régulièrement déficitaire (20 milliards de F CFA) ?en raison de la faiblesse des cours mondiaux et du prix élevé des intrants.
Depuis deux ans, la Sofitex est confrontée à une baisse de sa production. À 310 000 tonnes de coton-graine, la dernière campagne est une catastrophe : deux fois moins qu’en 2005-2006 (plus de 600 000 tonnes). En cause, le décalage de la saison pluvieuse et la désaffection d’un nombre croissant de planteurs se jugeant mal payés. Avec un rendement de 1,5 tonne à l’hectare pour le coton transgénique, contre 1,2 pour le coton conventionnel, la société pourrait dès cette année engranger un surplus de 4 500 tonnes. Un gain encore modeste certes, mais qui s’accompagne d’une amélioration de la trésorerie de l’entreprise, régulièrement immobilisée pour assurer l’approvisionnement des cotonculteurs en semences et engrais, comme l’y oblige la réglementation. En 2007-2008, la Sofitex a ainsi dépensé quelque 35 milliards de F CFA. Selon Célestin Tiendrebeogo, son directeur général, la multiplication de la semence transgénique permettra de mieux maîtriser ces coûts, d’autant plus que le coton génétiquement modifié planté au Burkina a été développé à partir de variétés locales.

Premier contrat de trois ans
Plusieurs questions restent en suspend. Certes, la Sofitex n’aura pas besoin d’importer de coton américain. Mais en se liant avec Monsanto, vraisemblablement pour un premier contrat de trois ans, la société met le doigt dans un engrenage délicat. Elle sera notamment contrainte de réévaluer régulièrement le tarif des semences vendues aux producteurs, compte tenu de « la valeur ajoutée qu’elles proposent ». Dans quelles proportions ? Mystère. Le risque est grand en tout cas que seuls les paysans les plus fortunés puissent y avoir accès. Il est par ailleurs impossible de revenir en arrière : la culture de coton transgénique dans certaines régions y interdit désormais toute culture de coton bio, bien moins coûteuse.
Reste à savoir si la société ne va pas un peu vite en besogne, à l’heure où plusieurs pays s’interrogent sur l’opportunité de renforcer l’encadrement des cultures génétiquement modifiées. Si pour l’instant aucune conséquence néfaste n’a été constatée sur les graines de coton BT burkinabè, qui servent à l’alimentation du bétail et à la production d’huile alimentaire, plusieurs scientifiques s’accordent pour dire que la recherche n’a pas encore fait le tour de la question.

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