Une retraite active

L’université américaine de Boston propose à d’anciens chefs d’État du continent un séjour pouvant aller jusqu’à deux ans, avec gîte, couvert et bourse. Et alimente ses archives de leurs confidences.

Publié le 5 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Comment assurer aux anciens chefs d’État africains une retraite studieuse et agréable ? C’est la mission que s’est fixée le Centre de recherches et d’archives présidentielles africaines (Aparc) créé en 2001 au sein de l’Université de Boston. Les 23 et 24 avril dernier, sur le campus de cette ville de la côte est des États-Unis, Kenneth Kaunda, l’inamovible président de la Zambie de 1964 à 1991, a accueilli pour « une table ronde historique » cinq autres anciens chefs d’État du continent. Il y avait là Nicéphore Soglo du Bénin, Ketumile Masire du Botswana, Jerry Rawlings du Ghana, Ali Hassan Mwinyi de la Tanzanie et Navichandra Ramgoolam de Maurice.
Non, Kenneth Kaunda n’est pas en exil aux États-Unis depuis qu’il a été battu en 1991 par Frederick Chiluba, lors des premières élections pluralistes de ce pays d’Afrique australe. À 79 ans, Kaunda est, depuis septembre 2002, le premier lauréat du Balfour African Presidents in Residence Program. Cette initiative de l’Aparc, financée à hauteur de 1 million de dollars par la fondation américaine Balfour, offre à d’anciens dirigeants africains la possibilité de passer jusqu’à deux ans à l’université de Boston. En échange du gîte – une coquette villa avec une vue imprenable sur la Charles River – et de la bourse d’études dont le montant reste secret, le retraité donne des conférences sur le campus d’accueil, dans d’autres universités américaines et alimente leurs archives de ses confidences. L’université de Floride Sud ou encore Harvard ont déjà recueilli les réflexions du patriarche zambien sur la lutte contre le sida, son terrain de prédilection.
Au menu du sommet de Boston, le flux des investissements privés dans les pays démocratiques africains et l’impact de la guerre en Irak. Étaient présentes aux discussions à huis clos, outre les six anciens chefs d’État, des personnalités du microcosme politico-économique américain intéressées par l’Afrique, dont Walter Kansteiner, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines, et Andrew Natsios, l’administrateur de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). Il s’agissait davantage d’une discussion que d’un sommet économique majeur. La rencontre s’est achevée sur un dîner d’anniversaire dans un grand hôtel de Boston, en l’honneur du doyen Kaunda.
C’est à Charles Stith, un diplomate africain-américain, ambassadeur des États-Unis en Tanzanie à la fin des années quatre-vingt-dix, que l’on doit l’idée de l’Aparc. Directeur de l’institution, Stith entend constituer des archives orales à partir de conversations privées avec les chefs d’État qui ont joué le jeu démocratique en se retirant de la scène. La bourse d’études pour anciens présidents est la traduction concrète de la déclaration de Kansteiner. « Les chefs d’État africains doivent savoir qu’ils seront chaleureusement accueillis s’ils deviennent démocrates », avait annoncé le « monsieur Afrique » de l’administration Bush, l’an passé. Au-delà de la volonté de renforcer la tradition d’ouverture du campus de Boston, qui abrite depuis 1953 un Centre d’études africaines, l’objectif du programme est d’inciter les dirigeants du continent à ne pas s’accrocher au pouvoir. Et de leur offrir une autre porte de sortie qu’un coup d’État, une retraite derrière les barreaux chez eux ou encore un exil risqué en ces temps troublés par la justice sans frontières.
L’Aparc concentre pour l’instant ses activités sur treize États(*) qui « sont à l’avant-garde du développement de l’Afrique selon les préceptes de la démocratie et du libéralisme ». Seuls trois pays francophones figurent sur la liste : le Bénin, le Mali et le Sénégal. Le Béninois Nicéphore Soglo, qui n’a pas attendu le programme de Boston pour honorer les demandes de conférences venues d’outre-Atlantique, s’est recasé à la mairie de Cotonou. Le Malien Alpha Oumar Konaré, féru d’histoire, serait à son aise dans une bibliothèque universitaire. Mais il y a l’appel de la présidence de la Commission de l’Union africaine. Abdou Diouf le Sénégalais est déjà occupé à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie. Quant aux vrais dinosaures francophones, que leurs compatriotes aimeraient bien voir très loin du pays, ils ne semblent pas impressionnés par la bourse d’études aux États-Unis. s

* Afrique du Sud, Bénin, Botswana, Cap-Vert, Ghana, Malawi, Mali, Maurice, Mozambique, Nigeria, Sénégal, Tanzanie, Zambie.

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