Être ou ne pas être ivoirien

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

La Côte d’Ivoire se débat, depuis le 19 septembre 2002, dans une crise sans précédent. La table ronde de Marcoussis, en France, a abouti à des accords qui se sont révélés difficiles à appliquer dans leur lettre. Pour sortir durablement de la crise, il faut d’abord baisser la tension dans le pays. C’est, me semble-t-il, le seul et unique rôle du gouvernement actuel de réconciliation nationale. L’Histoire montre que ce type de gouvernement, dont l’Afrique est si friande, n’a jamais réussi à réconcilier les adversaires politiques aux intérêts divergents. Ce qui n’est pas étonnant, car comment peut-on avoir un programme de gouvernement quand on n’est pas sur la même longueur d’onde politique ? À mon avis, les Ivoiriens n’ont rien à attendre du gouvernement de Seydou Diarra en ce qui concerne l’amélioration générale de leurs conditions de vie. Ils auront au moins le calme, mais pas la paix sur le long terme, tant que le contentieux politique ne sera pas réglé sur le fond.

Puisque ce gouvernement aura pour lui la durée (plus de deux ans), les leaders politiques devront travailler à retrouver puis à consolider la sécurité pour tous, favoriser l’émergence d’une paix durable en évitant d’instrumentaliser les appartenances ethniques et religieuses et, enfin, mettre en place des principes et règles de jeu garantissant pour tous et pour toutes une vie harmonieuse sur l’ensemble du territoire national. Cela suppose l’élaboration d’une Constitution claire, débattue avant d’être soumise au vote par référendum et mise en application. La Constitution de 2000 n’est pas, en effet, cohérente, et offre matière à contestation. Le changement d’un « et » par un « ou » pour exiger qu’il faut être né de père ivoirien ou de mère ivoirienne pour être candidat à la présidence de la République ne règle pas le problème de l’« ivoirité ». On est ivoirien ou on ne l’est pas. Il n’y a pas deux mesures. La nationalité, c’est la nationalité.
« De père et/ou de mère ivoiriens d’origine », qu’est-ce que cela veut dire au juste ? De deux choses l’une : soit la Côte d’Ivoire a une politique de naturalisation et d’intégration en fonction des règlements et des lois de la République, auquel cas les personnes qui en bénéficient sont des Ivoiriens à part entière, soit elle n’en a pas. Mais la Côte d’Ivoire ne peut pas avoir deux classes d’Ivoiriens : ceux qui ont tous les droits et tous les devoirs, et ceux qui n’ont pas tous les droits, mais qui ont tous les devoirs. La Déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle la Constitution de 2000 adhère reconnaît à toute personne humaine le droit à une nationalité, de changer de nationalité et d’en jouir pleinement.

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La Côte d’Ivoire ne sera ni unie, ni solidaire, ni prospère (préambule de la Constitution), en créant en son sein des Ivoiriens de seconde zone. La Constitution française n’interdit pas à un français noir ou à un français arabe de se présenter à l’élection présidentielle. Leur droit est reconnu même si la France, comme les États-Unis, n’est pas prête à élire un président noir ou d’origine arabe.
Pouvoir être candidat à la présidentielle ne veut pas dire être élu. Je jouis d’un droit sans préjuger du résultat de cette jouissance. C’est le peuple qui choisit. Et le peuple n’est jamais dupe. On doit se poser la question suivante : entre un Ivoirien de souche qui ne serait pas porteur d’un projet de société crédible et un Ivoirien d’origine étrangère de deuxième ou troisième génération qui présenterait un meilleur projet, qui doit-on choisir ? Le fils d’origine ou le fils d’adoption ? La complaisance ou le progrès ? Je pense que le peuple saura distinguer le bon grain de l’ivraie. Il est temps qu’en Afrique les peuples ne soient plus manipulés mais tout simplement éclairés.

* Président de l’association Combat pour la santé et pour la vie, Valenton, France

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