Étrangers, de préférence

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Le complexe du « sorcier blanc » a la vie dure : à la CAN 2002, au Mali, six équipes étaient dirigées par des Européens dont les deux finalistes, le Cameroun et le Sénégal. En Ligue des champions, le vainqueur (Zamalek) a fait confiance au Brésilien Roberto Cabral, et le finaliste (Raja) au Belge Walter Meeuws (limogé depuis et remplacé par le Français Henri Michel). Le Widad de Casablanca, vainqueur de la Coupe des coupes, a eu recours à l’Argentin Oscar Luis Fullone, et la Jeunesse sportive de Kabylie, qui a remporté la Coupe de la CAF, à ceux du Français Jean-Yves Chay. Aucun entraîneur africain n’a remporté de titre en 2002 !
Selon l’Union nationale des éducateurs et des techniciens du football (Unecatef), le syndicat des entraîneurs français, quinze « professeurs » tricolores exercent en Afrique. Et les « perdants » du Mondial 2002 cherchent à rebondir : Roger Lemerre en Tunisie et Guy Stéphan au Sénégal. Dirigent aussi des sélections nationales : Bernard Simondi (Bénin), Jean-Paul Rabier (Burkina), Robert Nouzaret (Côte d’Ivoire), Christian Coste (Gabon) et Christian Dalger (Mali). Curieusement, les deux seuls ayant obtenu des résultats probants – Pierre Lechantre avec le Cameroun et Bruno Metsu avec le Sénégal – ont délaissé le continent pour des pétromonarchies, le premier au Qatar, le second aux Émirats arabes unis.
Les clubs ont fait aussi leur marché au Benelux, en Allemagne, en Suisse, au Brésil et en Yougoslavie. Un éclectisme doublé d’une tendance à l’instabilité : la valse des entraîneurs est une danse à la mode en Afrique. Les seize techniciens présents lors de Mali 2002 ont tous été remerciés. Sur les cinq ayant conduit les équipes africaines au Mondial, seul l’Allemand Winfried Schaffer, entraîneur du Cameroun, a échappé à la guillotine. Cet appel massif aux entraîneurs étrangers constitue une solution de facilité évitant de ne rien entreprendre de fondamental pour faire appel à des cadres nationaux durement frappés par le chômage. L’aspect formation est presque partout négligé. Le jour où l’expatrié s’en va, il faut repartir de zéro, car celui-ci ne s’est consacré qu’à l’élite.
Autre problème auquel se trouve confronté tout entraîneur, local ou étranger : comment faire pour regrouper les joueurs de la sélection nationale quand les meilleurs vivent en Europe ? Doit-on les rappeler au pays, où ils ne sont pas sûrs de retrouver l’environnement professionnel auquel ils sont habitués (pelouse, soins, intendance…) ? Cela coûte cher et les clubs y sont formellement opposés. Doit-on les réunir pour des stages en Europe ? Cela coûte aussi cher, mais ne soulève pas le veto des employeurs… européens. Pierre Lechantre puis Bruno Metsu ont appliqué la formule avec la réussite que l’on sait. Robert Nouzaret a emprunté la même voie avec les Éléphants de Côte d’Ivoire. Moralité : les fédérations africaines versent des salaires élevés à des entraîneurs qui ne résident pas à plein temps dans le pays. Et ce n’est pas le seul paradoxe du football africain « d’en haut ».
Les 15 et 16 mars, la Fifa a organisé, conjointement avec la CAF, un séminaire à l’intention des entraîneurs africains. Les experts européens et sud-américains ont ressassé les lieux communs pour le moins exotiques : « Les Africains ne manquent pas de talent, mais la discipline tactique leur fait défaut. » Aucun technicien africain de renom n’a été invité à leur donner la réplique, et l’on ne s’est pas penché sur une qualité du jeu qui s’étiole…

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