À quand la cure de jouvence ?

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Samedi 13 février 2000, à Lagos, finale de la XXIIe CAN. Le Nigeria et le Cameroun ne parviennent pas à se départager à l’issue des prolongations (2-2). La séance de tirs au but est inévitable. Le Nigérian Victor Ikpeba frappe de toutes ses forces. Le ballon heurte la barre et retombe derrière la ligne. Pour l’arbitre tunisien Mourad Daami, pourtant bien placé, il n’y a pas but. Le Nigeria est battu (4-3).
Stade municipal d’Accra, au Ghana, dimanche 17 décembre 2000. Le club local des Hearts of Oak reçoit en finale-retour de la Ligue des champions l’Espérance sportive de Tunis (EST). De nombreux incidents émaillent la partie. Mourad Daami, bien qu’officiellement non concerné par le match, oublie tout devoir de réserve et se comporte comme un supporteur zélé de l’EST. Il tente même de faire pression sur l’arbitre de la rencontre afin qu’il stoppe prématurément les hostilités. La CAF réagit. Le 10 février 2001, elle suspend Daami pour un an et le raye de la liste des arbitres présélectionnés pour la Coupe du monde. À peine a-t-il purgé la moitié de sa peine qu’il est amnistié, et même désigné pour arbitrer les rencontres de la CAN 2002 au Mali. Il dirige Afrique du Sud-Ghana à Ségou, puis Égypte-Cameroun à Sikasso. Sitôt ses valises bouclées, il apprend qu’il participera… au Mondial. Le 9 juin, à Myagi, il officie pour le match Mexique-Équateur. Il repartira du Japon avec, comme tous ses confrères, un joli pactole : 30 000 dollars de prime et d’indemnités.
L’itinéraire de Mourad Daami illustre bien les ambiguïtés et les incohérences du système. Depuis que le Marocain Saïd Belqola, le premier africain à avoir dirigé une finale de Coupe du monde (France-Brésil, le 13 juillet 1998), a tiré sa révérence, les arbitres du continent cherchent un digne représentant. Le prétendant officieux, l’Égyptien Gamal Ghandour, a raté le coche après sa performance controversée lors du quart de finale Corée-Espagne (0-0 et 5-3). Il vient d’ailleurs d’annoncer sa retraite internationale. Les cinq arbitres africains (sur 36) présents en Asie n’ont dirigé que 6 matchs, dont 5 du premier tour, sur un total de 64 : un maigre bilan pour l’équipe alignée par Farah Addo, président de la Commission des arbitres de la CAF et de la Fédération somalienne de football. Quelques semaines après le Mondial, Addo apprend qu’il ne fait plus partie de la Commission des arbitres de la Fifa, où il est remplacé, sur décision de Joseph Blatter, par l’Algérien Belaïd Lacarne et par le Sénégalais Badara Sène, deux de ses proches à la CAF.
En janvier dernier, la Commission de discipline de la Fifa interdit pour deux ans le Somalien de toute activité au sein des instances de l’organisation. La sanction fait suite aux déclarations d’Addo dans les médias, en février 2002, faisant état de « prétendues malversations financières visant à favoriser l’accession de Blatter à la présidence de la Fifa en 1998, et accusant le président de la Confédération asiatique, le Qatari Mohamed Ibn Hamman ». Le tout sans fournir de preuves.
Le 12 mars, la Fifa, après une expertise comptable sur la période 1999-2001, coupe toute subvention à la fédération somalienne pour non-transparence dans l’utilisation de 84 % des fonds directement versés à Farah Addo au Caire. Le 27, celui-ci annonce qu’il se démettra le 15 mai de sa charge de président de la Cecafa (Confederation of East and Central African Football Associations) et qu’il ne briguera pas en janvier 2004 de nouveaux mandats à la CAF, dont il est le premier vice-président. Il se lance dans la politique.
Le retrait du Somalien provoquera-t-il des changements dans le système arbitral ou maintiendra-t-il les privilèges acquis ? S’il est trop tôt pour répondre, il n’en demeure pas moins évident qu’une cure de rajeunissement s’impose. Non seulement beaucoup de sifflets internationaux ne seront pas épargnés par la nouvelle limite d’âge fixée par la Fifa (38 ans), mais les méthodes de formation, de sélection et de désignation des arbitres auront grand besoin d’être modernisées. Au-delà des discours d’autosatisfaction et des pratiques clientélistes, le temps est venu de garantir la crédibilité, l’intégrité et la sécurité du corps arbitral.

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