Psychose

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Il ne fait pas bon, par les temps qui courent, éternuer ou tousser dans le métro parisien ou dans le train, surtout lorsqu’on est asiatique. Tout d’un coup, les fronts se plissent, les regards s’assombrissent et les têtes se détournent. Vos vis-à-vis relèvent spontanément leurs journaux, comme pour s’en servir de bouclier. Certains se pincent le nez pour ne pas respirer cet air qu’ils imaginent vicié par le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la (désormais) célèbre pneumopathie atypique. D’autres n’hésitent pas à se déplacer, voire à changer de wagon.

Il l’a ? Il l’a pas ? Une toux banale ? Un simple rhume des foins ? D’où vient-il ? A-t-il récemment séjourné en Asie ? Ces questions, somme toute légitimes, hantent les esprits. Au tout début de l’épidémie du sida, certains redoutaient, on s’en souvient, la compagnie des Haïtiens, des Zaïrois et des Ougandais, censés tous être des porteurs « sains » du virus. La cible, aujourd’hui, ce n’est plus le Noir mangeur de singes verts, mais l’Asiatique et, au-delà, ceux qui ont eu la malheureuse idée d’aller passer des vacances à Singapour, Pékin ou Hongkong.

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L’autre jour, j’ai entendu, sur une radio française, un auditeur raconter, sans rigoler, que le meilleur moyen d’avoir de la place dans le métro, aux heures de pointe, c’est de se mettre subitement à tousser ou à éternuer. Il n’avait certainement pas tort. La peur donne des ailes. Toujours en France, un train à grande vitesse a été récemment immobilisé en rase campagne, parce que des voyageurs ont été pris de panique à la vue d’un homme muni d’un masque dans le compartiment. Vérification faite, le quidam, rentré quelques jours plus tôt d’un séjour asiatique, avait jugé prudent de conserver son masque jusqu’à la fin de la période d’incubation, qui va de deux à dix jours. Une mesure de sagesse, mal interprétée par les autres voyageurs…

François Soudan, qui rentre de Libreville, me signale que les douaniers gabonais, à l’aéroport, portaient, comme leurs collègues européens, des masques et des gants, pour, éventuellement, faire face à un fléau venu – une fois n’est pas coutume – d’ailleurs. Jusque-là, les virus et autres bactéries semblaient avoir fait du continent leur terre de prédilection. Et, généralement, ce sont les nations riches qui déconseillent à leurs ressortissants de se rendre dans tel ou tel pays africain, pour cause de guerre, de violence politique, ou d’épidémie de méningite ou de fièvre Ebola. Aujourd’hui – on croit rêver -, ce sont les dirigeants africains qui invitent leurs concitoyens à éviter Hongkong, Singapour et même, jusqu’à une date récente, Toronto.

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