Le grand frère vénézuélien

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 10 mai prochain, un avion privé en provenance de Caracas (Venezuela) se posera sur la piste de l’aéroport de Malabo (Guinée équatoriale). À son bord : Aires Barreto, vice-président de la compagnie pétrolière nationale Petróleos de Venezuela (PDVSA), des hauts fonctionnaires du ministère vénézuélien des Mines et de l’Énergie et quelques dirigeants de sociétés filiales de PDVSA. La délégation sera accueillie par Cristobal Mañana Ela, ministre équatoguinéen des Mines et de l’Énergie. À la clé : la signature d’un accord de partenariat entre les deux pays. Pour l’homme d’affaire français Jacques Lévy de Prénovel (voir portrait ci-contre), que l’on peut considérer comme l’initiateur du projet, ce sont deux ans d’efforts récompensés. Pour les deux pays, c’est peut-être le début d’une belle aventure.
Dans le contexte de concurrence farouche qui prévaut en Guinée équatoriale depuis la découverte, en 1999, de nouveaux gisements, la venue du géant vénézuélien risque de bousculer quelque peu l’état des forces en présence.
Car, en dépit de l’attribution de nouveaux blocs à Petronas (Malaisie) et à Roc Oil Company (Australie), la domination américaine (ExxonMobil, Chevron-Texaco, Marathon…) reste écrasante sur les riches eaux équatoguinéennes. Les entreprises texanes y montent d’ailleurs une garde si vigilante que les tentatives de certains, Russes et Français notamment, pour prendre pied sur cet eldorado ont été, jusqu’à présent, vouées à l’échec.
Mais l’exploitation des puits de pétrole n’est pas le seul but de la visite des Sud-Américains : ils apportent dans leurs bagages savoir-faire et technologie dans les domaines de la pétrochimie, du gaz, du transport maritime, ou encore des produits dérivés des hydrocarbures. Bref, cinquante années d’expérience dans le secteur pétrolier, au sens large du terme. Une belle coopération Sud-Sud en perspective. Car, si elle regorge d’or noir, la Guinée équatoriale manque encore cruellement de compétences et d’infrastructures. C’est donc de tout cela qu’il sera question entre Aires Barreto et Cristobal Mañana Ela.
La deuxième plus grande entreprise pétrolière du monde – PDVSA emploie 40 000 personnes, exploite 20 000 puits actifs sur un total de 2 400 gisements, dispose de 25 raffineries dans le monde et de 6 000 kilomètres d’oléoduc – pourra ainsi prendre sous son aile la « petite Guinée équatoriale » et contribuer de manière significative à son développement.
Elle interviendra dans les domaines les plus divers, tels que la formation de cadres et d’ingénieurs ou l’assistance à la société publique Guinea Ecuatorial de Petrol (Gepetrol), afin de l’aider à mieux négocier sa participation dans les filiales locales des sociétés étrangères, ou à augmenter la part de production qui revient à l’État. La création en commun d’une société de distribution est même envisagée, avec plate-forme d’exportation vers le Cameroun, le Nigeria et le reste du continent. Cette nouvelle société, en plus d’assurer des revenus à l’État, introduira dans ce secteur une concurrence profitable à l’ensemble du pays.
À la pointe de la technologie en matière de transformation chimique (sa filiale Pequiven est le premier producteur mondial d’huile de base), PDVSA pourrait, avec la société Macgesa, s’intéresser également à la construction d’une usine d’ammoniaque. Et comme les besoins sont immenses, ils pourraient aussi être amenés à s’investir dans les domaines de la construction, du logement social et des infrastructures portuaires.
Ainsi épaulée par son grand frère vénézuélien, nul doute que la Guinée équatoriale n’en sortira que mieux armée pour assurer son développement et se défendre contre les requins des grands fonds pétrolifères. Tel est, en tout cas, le souhait de Jacques Lévy de Prénovel, l’homme qui a tout mis en oeuvre pour rapprocher ces deux pays hispanophones que ne sépare, après tout, qu’un vaste océan.
Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, signalons également que, à la faveur de cette ouverture de l’Afrique sur l’Amérique latine, une alliance entre PDVSA, qui ne pompe aucun baril hors de ses eaux territoriales, et l’entreprise brésilienne Petrobras, qui, elle, en revanche, peut le faire, se profile à l’horizon. Pétroliers texans, tenez-vous bien : le Sud attaque !

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