L’Afrique du Sud tient la corde

Le continent accueillera la dix-neuvième édition de l’épreuve reine du ballon rond. Six pays ont fait acte de candidature, mais peu sont encore en mesure de satisfaire au cahier des charges imposé par la Fifa.

Publié le 6 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Ce sera une grande première. Après avoir occupé sept décennies durant les stades européens et américains (du Sud comme du Nord), tout juste délaissés en 2002 pour une visite aussi polie qu’intéressée au continent asiatique, le grand barnum du football mondial fera une halte en Afrique en 2010, au nom d’un système de rotation inscrit dans les statuts de la Fédération internationale de football association (Fifa) depuis août 2000. Joseph Blatter, son président, l’a confirmé en janvier 2002. Au 31 décembre dernier, date limite de dépôt des dossiers, six pays s’étaient portés candidats pour accueillir la dix-neuvième édition de l’épreuve reine : l’Afrique du Sud – qui avait perdu d’une voix face à l’Allemagne pour le mondial 2006 -, suivie par le Maroc, la Libye, l’Égypte, le Nigeria et la Tunisie.
Les six fédérations, qui ont reçu fin janvier le cahier des charges de la Fédération internationale, doivent confirmer leur volonté avant le 30 mai prochain (l’Afrique du Sud vient de le faire). Les dossiers seront présentés le 30 septembre prochain au secrétariat général de la Fifa, qui disposera de quelques mois pour procéder à l’inspection des sites proposés. Un rapport sera ensuite remis le 31 mars 2004 au Comité exécutif, qui désignera le pays organisateur un mois plus tard.
D’ici là, les chantiers ne manquent pas. À commencer par celui des stades, la Fifa exigeant du pays hôte la mise à disposition de dix sites de compétition, chose que peu de pays africains sont aujourd’hui en mesure de présenter. La qualité de la surface de jeu est également au coeur des préoccupations, puisqu’il n’est pas question de faire disputer la compétition sur des terrains pelés, comme ce fut le cas durant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2002 au Mali. L’utilisation de pelouse synthétique – une première pour une Coupe du monde – est déjà envisagée, Joseph Blatter déclarant dernièrement « qu’il n’y avait aucune raison pour que l’épreuve ne se dispute pas sur une telle surface ». Une pelouse synthétique coûte pourtant dix fois plus cher qu’un gazon classique, et est donc hors de portée de la plupart des fédérations africaines. La Fifa a déjà promis de mettre la main au portefeuille. Enfin, la faiblesse générale des infrastructures de transport, d’hébergement ou de télécommunication pénalise fortement certains postulants, seuls les pays touristiques pouvant tirer leur épingle du jeu. Autant de questions qui devront vite être résolues si la Fifa ne veut pas se retrouver prise dans ses propres contradictions, avec un cahier des charges trop draconien au regard des réalités africaines.
Dans ce contexte, l’Afrique du Sud apparaît comme le grand favori. Elle peut s’appuyer sur la qualité de ses équipements sportifs et de ses infrastructures, qui ont fait leurs preuves dans un passé récent, même s’ils doivent encore être étoffés pour finir de convaincre. « Quel autre pays africain a accueilli la Coupe du monde de rugby en 1995, le Sommet de la Terre en 2000 et la Coupe du monde de cricket en 2003 ? » a dernièrement rappelé Danny Jordaan, la tête pensante du comité de candidature sud-africain. Reste que les problèmes d’insécurité (vingt mille meurtres par an) et son image de pays ravagé par la pandémie du sida pourraient lui porter préjudice.
Pour avoir une chance de contrer l’Afrique du Sud, certains autres postulants ont décidé de jouer la carte de la co-organisation. C’est le cas notamment du Maroc et de la Tunisie qui, à eux deux, disposent des infrastructures nécessaires à l’accueil d’une telle compétition. Les fédérations nationales ont noué des contacts en ce sens, et le dossier pourrait rapidement évoluer en cas de soutien politique. L’Égypte, dont le gouvernement a déjà annoncé qu’il hésitait à se lancer seul dans un projet si coûteux, pourrait également rejoindre ce ticket nord-africain. Autre candidat, le Nigeria, qui s’apprête à organiser les VIIe jeux Africains, en octobre prochain, à Abuja. Son ministre des Sports, Steven Akiga, a affirmé que son pays « avait l’argent et les capacités pour accueillir le monde entier ». Le pays pâtit néanmoins d’un climat social exécrable qui joue en sa défaveur. Pour renforcer sa candidature, la fédération nigériane a fait des appels du pied à ses voisins de la sous-région. Un accord avait notamment été signé avec le Ghana, le 10 mars, à Accra, entre les ministres des Sports des deux pays… mais le Ghana s’est rétracté quelques jours plus tard. Le Bénin, le Togo ou le Cameroun avaient également été approchés par Abuja, sans succès jusqu’à présent. Pour arranger le tout, Joseph Blatter a estimé en mars dernier le projet de co-organisation nigérian « non faisable »… Dernier pays en lice, la Libye semble bien seule, même si sa candidature bénéficie du soutien inconditionnel de Saadi Kadhafi. Le fils du chef de l’État s’est promis d’offrir la Coupe du monde à son pays en annonçant un budget de 6 milliards de dollars pour le doter des infrastructures modernes nécessaires.
Bien que Joseph Blatter se soit dit ne pas être « hostile à une organisation conjointe », il semble néanmoins que la candidature solo de l’Afrique du Sud tienne la corde. La première expérience de co-organisation, le Mondial d’Asie en 2002 (Japon-Corée du Sud), sans tourner au fiasco, a en effet connu plusieurs dérapages – billetteries des matchs, problèmes de transport entre les pays, convertibilité des monnaies – qui font aujourd’hui réfléchir la Fifa. Fin du suspens dans un peu plus d’un an.

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