François Mitterrand est élu président de la République française

Publié le 5 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Par petits groupes, alors que la nuit tombe, ce 10 mai 1981, des jeunes arrivent place de la Bastille, lieu symbolique des luttes populaires à Paris. Dès 20 heures, les radios et les télévisions ont diffusé la nouvelle : au second tour de la présidentielle, François Mitterrand l’a emporté contre le chef de l’État sortant, Valéry Giscard d’Estaing. On connaîtra plus tard le score : 51,75 % des voix, contre 48,25 %.
Un podium géant a été installé sur la place peu après 20 heures. « Nous avons commencé à travailler dès samedi soir », expliquera Claude Villers, animateur de France Inter, et maître de cérémonies de cette soirée qui s’annonce grandiose. Bientôt, la place est noire de monde. De partout, les cris fusent : « On a gagné ! On a gagné ! »
Pour les observateurs de la vie politique, la victoire du candidat socialiste est acquise depuis plusieurs semaines. Pour ses supporteurs, en revanche, elle sonne comme une divine surprise. Après une montée en puissance au cours des années soixante-dix, la gauche n’était pas au mieux de sa forme à la fin de la décennie. En 1978, elle avait encore perdu les législatives, et l’union laborieusement constituée entre socialistes, communistes et radicaux de gauche battait de l’aile. Écartée du pouvoir depuis l’accession du général de Gaulle à la tête de l’État en 1958, elle semblait devoir patienter encore dans l’opposition.
Plus que la force de la gauche, les divisons de la droite ont été la clé du scrutin. Tandis que les voix dont a bénéficié au premier tour le communiste Georges Marchais se sont reportées à environ 90 % sur Mitterrand, près d’un tiers des électeurs de Jacques Chirac ont fait défaut à Giscard d’Estaing. C’est que les gaullistes n’ont jamais vraiment admis le succès, en 1974, du fondateur de l’Union pour la démocratie française (UDF) au détriment de leur candidat, Jacques Chaban-Delmas. Ils n’ont jamais pardonné le fameux « oui mais » au référendum constitutionnel de 1969, qui, de toute évidence, a fait pencher la balance en faveur du « non », entraînant par là même la démission du général de Gaulle.
Mais le verdict du 10 mai 1981 traduit avant tout une aspiration des Français au changement. Il représente également un formidable succès personnel pour François Mitterrand. Combien de fois n’avait-on pas diagnostiqué la mort politique de cet avocat, né en 1916, ministre (des Anciens Combattants) dès janvier 1947 et homme clé des cabinets ministériels de la IVe République. En s’opposant, en mai 1958, au « coup de force » de Charles de Gaulle, il semblait se condamner à la marginalisation : même les électeurs de la Nièvre, dont il était député depuis 1946, lui retirèrent leur confiance en novembre suivant.
En constituant, sur les décombres de la Section française de l’Internationale socialiste (SFIO) de Guy Mollet, une prometteuse Fédération de la gauche démocrate et socialiste, il était parvenu à remettre son camp en selle, réussissant le tour de force de mettre le général en ballottage à la présidentielle de 1965. Les législatives de 1967 virent la gauche enregistrer de nets progrès. Las, survint mai 1968. Mitterrand eut le tort de se précipiter en se posant en recours. L’opposition fut balayée aux législatives de juin.
Mais Mitterrand n’avait pas dit son dernier mot, démontrant une fois encore son aptitude à « rebondir ». La création, en 1971, à Épinay-sur-Seine, du Parti socialiste lui permettait de repartir à la bataille. Dès 1974, lors du scrutin consécutif à la mort du président Pompidou, il frôlait la victoire contre Giscard.
Voilà l’homme dont les partisans s’apprêtent, ce 10 mai 1981, à célébrer la victoire place de la Bastille, au rythme du reggae et de la salsa, les tempos des années quatre-vingt. Le triomphe sera total le mois suivant après la dissolution de l’Assemblée nationale. La confortable majorité dont Mitterrand disposera lui permettra de faire adopter rapidement des mesures spectaculaires comme l’abolition de la peine de mort et d’importantes dispositions d’ordre social comme la réduction du temps de travail hebdomadaire à 39 heures et la cinquième semaine de congés payés.
Ce jour-là, pour le peuple de gauche en liesse, tous les espoirs étaient possibles. La suite, c’est une autre histoire.

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