Vers une levée des sanctions européennes
Trois cent cinquante milliards de francs CFA (503,5 millions d’euros) : tel est, selon une évaluation réalisée par les services du Premier ministre togolais Kofi Sama, le montant global de ce qu’ont coûté au Togo – en termes de « manque à gagner » – onze années de sanctions de la part de l’Union européenne (UE). Cet embargo de fait, décrété en 1993 pour cause de « déficit démocratique », sera-t-il bientôt levé ? Un premier pas dans cette direction sera effectué le 14 avril, à Bruxelles, où doivent s’ouvrir des consultations bilatérales sur la base d’une « feuille de route », passablement contraignante, élaborée par les États membres de l’UE et susceptible de déboucher sur une reprise de la coopération avant la fin de 2004. Réactivation du dialogue politique avec l’opposition, respect des droits de l’homme, réexamen du calendrier électoral : les conditions imposées par l’UE ne sont pas jugées inacceptables par le gouvernement togolais, à une réserve près – il est hors de question qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une reprise des « accords de Lomé » entre le pouvoir et ses opposants, tant ces accords ont fait la preuve de leur inefficacité. Une nouvelle matrice consensuelle demeure donc à inventer. La question est certes posée au président Eyadéma, dont on sait qu’il ne manque pas d’imagination et qui peut toujours rappeler sa main tendue aux partis de l’opposition après sa réélection en juin 2003. Mais elle s’adresse aussi à ces derniers, qui ont toujours considéré les sanctions européennes comme un moyen de pression sur le pouvoir, au point de souhaiter leur reconduction, même si elles pénalisent en fait la population beaucoup plus que ses dirigeants. Ce déblocage enfin possible, qui devrait à terme inciter les investisseurs à reprendre le chemin de Lomé, oblige le camp des anti-Eyadéma à refonder une stratégie jusque-là fondée sur l’appui de l’extérieur beaucoup plus que sur l’imposition d’un rapport de force interne. En a-t-il les moyens ? Rien n’est moins sûr. Quant aux autorités togolaises, elles peuvent, à n’en point douter, remercier cet « ami sûr » qu’est Jacques Chirac, auquel Gnassingbé Eyadéma a rendu visite il y a un mois. C’est la France, en effet, qui a convaincu un par un les pays membres de l’UE de la nécessité d’une relance des négociations. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont été parmi les derniers à se ranger à cette idée. Restait l’Espagne – mais c’était celle de José María Aznar. Un « travail au corps » très politique dont le contexte réel n’avait, il faut le reconnaître, que peu de choses à voir avec le Togo. À Bruxelles, on troque parfois le sort des peuples comme d’autres des paquets de cacahuètes. Levée des sanctions au Togo contre embargo au Zimbabwe, subventions au Rwanda contre pipeline au Daghestan. Ainsi va (parfois) l’Europe…
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