Un malaise profond

Dans le supplément hebdomadaire du Financial Times, de Londres, Michael Holman évoque, à partir de l’exemple de la RD Congo, l’état désastreux des relations entre l’Afrique et l’Europe.

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

La RD Congo illustre à merveille les bons et les mauvais côtés de l’engagement de l’Occident en Afrique. Il y a d’abord eu la calamiteuse administration du pays par le colonisateur belge, le soutien militaire des Français, puis, pendant la guerre froide, celui des Américains. Avec en toile de fond une dette impossible à résorber et une dictature corrompue dont le déclin a duré des années. Ses séquelles sont encore visibles.

Lors de son accession à l’indépendance, en juin 1960, le Congo ex-belge symbolisait la vague d’optimisme qui soufflait alors sur l’Afrique, heureuse de secouer le joug colonial. Deux semaines plus tard, les Nations unies étaient contraintes d’intervenir pour mater une sécession et ramener l’ordre dans un pays au bord de l’implosion. Cette intervention n’a apporté qu’un simple répit.
Le très pro-occidental Mobutu Sese Seko n’a cessé de renforcer son pouvoir, et les Européens ont vite compris la nécessité de le maintenir en place. Il leur suffisait de regarder ce qui se passait chez le voisin angolais, dont le régime, soutenu par Cuba, était confronté à une guerre civile dont les ramifications s’étendaient jusqu’en Afrique du Sud. Mais les impératifs politiques n’étaient pas seuls en cause. L’importance stratégique des ressources minières du Zaïre – cuivre et cobalt notamment – était évidemment à prendre en compte : à la fin des années 1970, 40 % du cobalt utilisé dans le monde provenaient du sud de ce pays. Et ne parlons même pas des milliards de dollars dus aux banques occidentales et aux institutions financières internationales.
Un quart de siècle plus tard, les Nations unies sont de retour, soutenues cette fois par l’Union européenne (UE). Mobutu est mort, mais la paix et la bonne gouvernance continuent de se faire attendre. La RDC reste une sorte de laboratoire où les Occidentaux testent leur capacité à aider un pays d’Afrique à accéder à la stabilité et à la démocratie.

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La vérité est que cet engagement est aussi inefficace aujourd’hui qu’hier. Si l’Europe se montre incapable de répondre rapidement à une situation de crise en Afrique, c’est surtout en raison de ses divisions internes. L’hostilité des Britanniques (et de quelques autres) à la création d’une armée européenne susceptible de faire concurrence à l’Otan pose, par exemple, un problème. « Tant que les interventions de l’UE en Afrique ne seront pas planifiées et organisées en liaison avec les pays africains concernés et ne répondront qu’à des considérations de politique intérieure européenne, elles n’auront nécessairement que des effets limités », écrit François Grignon, de l’ONG International Crisis Group.
Chez les Africains, l’échec de la récente intervention militaire conduite par la France en RDC suscite un malaise plus profond encore. Comme deux époux qui ont cessé de se plaire, l’Europe et l’Afrique réduisent leurs échanges à des banalités de circonstance.

Les promesses non tenues en sont la cause principale, qu’il s’agisse de l’arrêt des subventions aux agriculteurs européens, qui grève la compétitivité de certains produits africains, ou de la suppression des barrières douanières. Les engagements pris lors des conférences des Nations unies demeurent lettre morte. Où en est le programme d’éducation primaire universelle ? Qu’est devenue la promesse d’aider à l’approvisionnement en eau potable des 650 millions de Subsahariens ?
En fait, les relations entre les deux partenaires sont dans un état désespéré. Il y a cent ans, l’écrivain noir américain W.E.B. DuBois évoquait dans son livre Le Monde et l’Afrique les réactions d’un Congolais débarquant en Europe à qui l’on posait la question : « Quel effet ça fait d’être traité comme un problème ? » Aujourd’hui, on écrirait plutôt : « Le Fonds monétaire international adopte une ligne dure en RDC », mais l’histoire est identique. Comme dit le proverbe angolais : « Les mouches ont peut-être changé, mais les ordures restent les mêmes. »

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