Qui censure a mauvaise presse
Le 31 mars, près de Fallouja, un groupe d’Irakiens a attaqué un convoi de civils américains, en a tué quatre et a jeté leurs corps dans l’Euphrate, aux cris de « Fallouja, le cimetière des Américains ! » Le même jour, dans un village à 24 kilomètres de là, cinq marines ont été tués par une bombe.
Quelques jours plus tôt, l’administrateur civil en chef à Bagdad, Paul Bremer, avait suspendu, en principe pour soixante jours, la parution d’un hebdomadaire chiite, Al-Hawza, qui avait publié un article affirmant que c’était un missile américain, et non une bombe terroriste, qui, en février, avait provoqué une explosion où une cinquantaine de jeunes policiers irakiens avaient trouvé la mort. Ce qui était faux.
La tension est extrême en Irak, et beaucoup d’opposants conjuguent leurs efforts pour démontrer que « l’Amérique ne réussira pas à instaurer la stabilité et la démocratie dans le pays ». Que faire ? En tout cas pas ce qu’a fait Bremer, écrit un éditorial du New York Times : « Envoyer des soldats fermer les locaux d’un hebdomadaire populaire rappelle fâcheusement les méthodes des autocraties moyen-orientales voisines.
« De fausses accusations comme celles qu’a publiées Al-Hawza contribuent à dresser l’opinion contre les forces américaines et à rendre leur tâche encore plus difficile et plus dangereuse, poursuit le New York Times. Et pourtant, il est possible de condamner ces rumeurs mensongères sans fermer un journal. […] Des publications comme Al-Hawza ne créent pas l’hostilité qu’affrontent les Américains, elles la reflètent. Leur interdire de paraître, si satisfaisant que cela puisse être pour l’administration Bush, n’est pas la bonne manière de faire disparaître cette hostilité. Les autorités d’occupation ont de nombreux moyens, y compris leur propre chaîne de télévision, de faire passer un message plus favorable.
« Il est difficile de croire que les milliers de Bagdadis scandalisés qui ont vu les forces américaines boucler les portes des bureaux du journal refuseront désormais d’ajouter foi aux rumeurs malveillantes répandues par les prêcheurs, les tracts ou le bouche à oreille. Et ce n’est pas cette démonstration de censure militaire qui va convaincre les Irakiens sceptiques que la principale raison de l’occupation de leur pays par l’Amérique est de l’aider à devenir une vitrine régionale des libertés à la manière américaine. »
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