Plus de dépenses pour plus de croissance
Si depuis 1995 Kigali affichait chaque année un taux de croissance moyen de 6 %, son Produit intérieur brut (PIB) a connu un ralentissement en 2003, ne progressant que de 3,5 %, selon les estimations du ministère des Finances et de la Planification économique. Pis, le bon élève rwandais a laissé déraper son taux d’inflation à plus de 10 %, alors qu’il ne dépassait pas 1,9 % un an plus tôt. La photographie économique du pays se résume donc à un pâle négatif de ce qu’était la situation en 2002. Le ministre des Finances, Donald Kaberuka, n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer en décembre dernier, devant le Parlement, que « l’année avait été très mauvaise ».
Pour les pouvoirs publics, ce retournement reste avant tout conjoncturel. Lors de la présentation de son projet de loi de finances 2004 devant les députés, Donald Kaberuka a surtout pointé du doigt « la faiblesse des cours mondiaux des produits d’exportation que sont le thé et le café, la baisse de la production agricole confrontée à des conditions climatiques exécrables et, enfin, le coût engendré par les scrutins électoraux qui ont jalonné l’année ». Si ces explications sont justes, elles semblent insuffisantes pour les experts économiques internationaux. Ils sont nombreux à stigmatiser les faiblesses structurelles d’une économie rwandaise cantonnée jusqu’à maintenant à gérer l’urgence sans vraiment assurer le développement à long terme. La structure du PIB est d’ailleurs là pour rappeler cette évidence. Tout à sa reconstruction, le Rwanda n’a pas su lancer de grands programmes de diversification. Le PIB reste toujours déséquilibré, composé pour 41,5 % par le secteur primaire, essentiellement constitué de filières agricoles trop dépendantes des conditions climatiques et des fluctuations des cours mondiaux. Les grandes cultures de rente, le thé et le café, qui représentent à elles deux 80 % de la valeur des exportations, ont connu une campagne difficile. Les opérateurs n’ont pu exporter que 14 000 tonnes pour chaque filière l’an passé, alors qu’ils ambitionnaient d’en vendre 18 000.
L’industrie, qui est passée sous la barre des 20 % du PIB en 2003, ne peut soutenir la concurrence régionale. Encore moins depuis janvier dernier et l’entrée en vigueur du traité de libre-échange, qui a mis un terme aux barrières douanières avec les pays membres de la Comesa, le Marché commun de l’Afrique australe et orientale. Seule la production de ciment et autres matériaux de construction (+ 14 %), répondant à une forte demande intérieure et extérieure, notamment dans l’est de la RD Congo, tire le secteur secondaire vers le haut.
Reste donc le secteur tertiaire, tout juste renaissant, mais qui pèse de plus en plus lourd dans l’économie rwandaise. Il a représenté près de 38 % du PIB en 2003, contre moins de 36,5 % l’année précédente. Le commerce domine toujours, mais certains secteurs comme les services financiers (banques et assurances) ou les télécommunications poursuivent leurs progressions respectives, alors que le tourisme a l’ambition de retrouver son dynamisme d’antan.
Mais c’est encore la filière de la construction qui connaît ses plus beaux jours, avec une hausse de 31 %. À Kigali, les chantiers d’envergure se succèdent. À commencer par la construction de l’hôtel Intercontinental, dont les travaux se sont accélérés au cours du dernier trimestre 2003 pour accueillir le sommet du Nepad en février 2004. Si l’on ajoute la réalisation de quelques sièges d’entreprises et les projets de construction d’un nouveau ministère des Affaires étrangères ou d’extension du stade de Kigali, le secteur devrait encore prospérer.
Le budget 2004 se veut volontariste. Conscient de la nécessité d’investir à long terme, le gouvernement a décidé de gonfler l’enveloppe budgétaire de 83,2 milliards de FRW (120 millions d’euros) pour un total de 334,5 milliards (482,5 millions d’euros). « C’est un budget en augmentation qui arrive à un moment où les conditions économiques nous imposent pourtant de nous serrer la ceinture », souligne Donald Kaberuka, bien conscient de la pression exercée sur l’équilibre financier du pays. Le déficit budgétaire devrait atteindre 14 % du PIB en 2004, aggravant le déséquilibre constaté l’an dernier : le déficit avait alors atteint 11 % du PIB pour cause de financements électoraux, estimés à près de 20 millions d’euros, soit le double du montant budgété.
La relance des dépenses publiques doit permettre aux autorités de porter la croissance à 6 % en 2004, tout en ramenant l’inflation à moins de 6 %. Les secteurs de la santé, de l’éducation et des infrastructures devraient bénéficier en priorité de cette augmentation budgétaire, permettant au président Kagamé de tenir ses promesses sur la gratuité de l’école primaire ou la distribution d’anti-rétroviraux contre le sida.
Mais les finances publiques seront, pour la première fois, amputées des taxes douanières appliquées jusqu’alors aux différents biens importés depuis les pays de la Comesa. Un manque à gagner estimé à 3 milliards de FRW (4,3 millions d’euros) par les autorités. Encore une fois, l’aide internationale va peser lourd dans ce budget : 55 % en 2004, contre 46 % l’année précédente.
Si les relations avec la Banque mondiale ou l’Union européenne sont bonnes, celles avec le FMI sont plus chaotiques. Le Fonds a mis la pression sur Kigali pour non-respect de ses objectifs budgétaires.
Par ailleurs, la communauté internationale reproche à Kigali de ne pas respecter certaines conditions, notamment concernant les dépenses militaires : leur montant pénaliserait l’essor économique, Mais cela ne devrait pas remettre en cause le processus de réduction de la dette, auquel le Rwanda a été déclaré éligible en 2000. Le montant de celle-ci, estimé à 1,4 milliard de dollars (1,14 milliard d’euros), doit être ramené à près de 400 millions de dollars. En attendant, le gouvernement va poursuivre la privatisation des entreprises publiques. Il prévoit la cession de la Banque commerciale du Rwanda, principal établissement financier du pays, et de Rwandatel, l’opérateur de téléphonie fixe. La vente de ces entités pourrait aboutir dans le courant de l’année. Tout comme les deux usines à thé, situées à Pfunda (nord-ouest) et à Mulindi (nord-est), pour lesquelles des appels d’offres passés en avril 2003, mais qui n’ont toujours pas trouvé preneur.
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