Habib Bourguiba JuniorFils de l’ancien président tunisien

A chacun son empreinte

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

Le 6 avril à 16 heures, Paris rend hommage à l’ex-président tunisien Habib Bourguiba avec l’inauguration officielle d’une esplanade portant son nom (voir aussi pp. 92-93). Celle-ci est située sur le prestigieux quai d’Orsay, entre le pont de l’Alma et le pont des Invalides, dans le 7e arrondissement.
Au premier rang des invités de marque du maire de Paris, Bertrand Delanoë, figurera Habib Bourguiba Junior, le fils du Combattant suprême. Il aura sans doute du mal à retenir son émotion. Le même jour, on célébrera le quatrième anniversaire du décès de celui qui fut le libérateur et le bâtisseur de la Tunisie moderne, et son président de 1957 à 1987. Né à Paris d’une mère française, Bourguiba Jr, Bibi pour son père, fêtera trois jours plus tard, le 9 avril, son 74e anniversaire. Delanoë avait eu la délicatesse de l’inviter à déjeuner le 9 décembre dernier afin de recueillir son avis sur la cérémonie.

Depuis 1987, Bibi n’a plus de responsabilités politiques. Il se consacre à sa famille et à la mémoire de son père. Membre du Club de Monaco, constitué en mars 2002 par des personnalités internationales, dont le prince Albert de Monaco, en vue de contribuer à la recherche de la paix dans la région méditerranéenne, il côtoie des personnalités palestiniennes et israéliennes modérées comme Yasser Abed Rabbo et Yossi Beilin, qui préconisent la coexistence de deux États… comme Bourguiba dès 1965.
Malgré une carrière passée en grande partie dans la diplomatie, Habib Bourguiba a gardé le franc-parler qui a fait sa réputation de « grande gueule ». « Je ne sais pas mentir, même par politesse », explique-t-il. Il a toujours dit ce qu’il pense, sans craindre personne. Même son père. Il n’était pas d’accord avec lui lorsqu’il s’est fait élire président à vie ou lorsque, sénilité aidant, il s’est laissé prendre aux manigances d’une « cour » sans foi ni loi. « Il aurait dû partir en 1969 », rappelle-t-il.

la suite après cette publicité

Sous le règne de son père, il a occupé des postes diplomatiques de prestige, comme ambassadeur ou ministre des Affaires étrangères, de 1964 à 1970. Il a connu John Kennedy en 1956 quand celui-ci était sénateur et l’a revu pour le sensibiliser à la question algérienne. Lorsque le futur président américain s’est prononcé au printemps 1957 en faveur de la libération de l’Algérie, Robert Lacoste, alors gouverneur d’Algérie, a prétendu que « c’était ce petit c… » de Bibi qui avait écrit le discours. Ce n’était évidemment pas le cas.
Habib Bourguiba Junior sera aussi le premier ambassadeur à présenter à Kennedy ses lettres de créance au lendemain de l’accession de celui-ci à la Maison Blanche. « Vous vous rendez compte que nous créons un précédent, déclare alors Kennedy. C’est la première fois qu’un ambassadeur fils de président présente des lettres de créance à un président fils d’ambassadeur. » Ambassadeur en France au début de la présidence du général Charles de Gaulle, de 1958 à 1961, Bibi aura ce mot : « J’ai eu le rare privilège de servir un grand homme en le représentant auprès d’un autre grand homme. »
Il a aussi laissé dans son pays sa propre empreinte dont il tire aujourd’hui sa principale fierté. Il a fondé et dirigé, de 1971 à 1988, la Banque de développement économique de la Tunisie, qui a joué un rôle essentiel dans l’essor économique du pays en drainant de nombreux capitaux étrangers, dont ceux des pays du Golfe. Mais, surtout, il s’y est entouré d’une pépinière de jeunes diplômés des grandes écoles françaises et d’économistes qui deviendront plus tard de grands banquiers ou des ministres parmi les meilleurs.
Il a aussi été l’un des premiers responsables tunisiens à découvrir l’informatique à ses tout débuts en 1983 et à comprendre le potentiel qu’elle offrait. Immédiatement, il a fondé la première École nationale des sciences de l’informatique et créé l’Institut de recherches des sciences informatiques de Tunis (Irsit).

L’ordinateur est toujours son dada… Lorsque ses petits-enfants (il en compte huit) lui en laissent le temps. Fils unique, Bibi a été privé, dès son plus jeune âge, de la présence affectueuse du père, toujours ailleurs, en prison ou en exil. Il n’a pas non plus eu beaucoup de temps pour ses trois enfants, Moez, Mehdi et Myriam. Dès lors, et lorsqu’on lui demande quel est le premier de ses hobbies, cet amateur de golf répond : « Gâter mes petits-enfants et flemmarder avec eux. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires