Faux et usage de faux

À l’instigation de l’OMC et des bailleurs de fonds, les autorités paraissent résolues à s’attaquer sérieusement au problème de la contrefaçon et de l’importation clandestine de produits de médiocre qualité.

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

«Guerre aux contrefaçons et aux produits de mauvaise qualité. » Le thème du symposium organisé, fin février à Nairobi, par les autorités kényanes était passablement belliqueux. Il est vrai qu’en décembre 2002, après le long règne – un quart de siècle ! – de Daniel arap Moi, le président Mwai Kibaki a hérité d’une économie exsangue, corrompue et envahie par les produits contrefaits. L’industrie pharmaceutique est particulièrement touchée, ce qui nuit gravement à la santé publique. Mais les autres secteurs ne sont pas en reste, qu’il s’agisse de l’industrie musicale, de l’électronique ou du textile.
« Lors de la libéralisation économique des années 1990, les pouvoirs publics ont fortement réduit le contrôle des importations. Le marché a été inondé de produits de médiocre qualité, contrefaits ou ne répondant à aucune norme », explique Anne Ollivier, de la mission économique de l’ambassade de France au Kenya.
En provenance d’Asie – principalement de Chine, via Dubaï -, d’Europe et du Moyen-Orient, ces marchandises de contrebande, proposées à des prix défiant toute concurrence, entrent dans le pays essentiellement par le port de Monbassa, mais elles profitent aussi de la porosité des frontières terrestres. Leur importation illégale serait naturellement impossible sans de nombreuses complicités au sein des services des douanes et de la police.
« Les composants électriques sont à 95 % chinois, et les aliments – lait en poudre, margarine, eaux minérales, conserves de viande, etc. – principalement sud-africains. Certains produits sont importés directement, d’autres détournés lors d’un transit et aussitôt commercialisés dans le circuit de distribution local », précise Anne Ollivier. Sur le territoire kényan lui-même, dans les zones franches, certaines entreprises se livrent impunément à la contrefaçon, en profitant du laxisme de l’État. Il existe enfin, dans les faubourgs des grandes villes, de petites unités de production clandestines. La demande est apparemment en hausse, les consommateurs s’intéressant souvent davantage au prix qu’à la qualité. Ce qui a le don d’irriter les responsables des grandes marques occidentales comme Haco (Bic), Panasonic, Unilever, Nike, Sony, Schneider Electric, Louis Vuitton et Givenchy (LVMH), ou encore Yves Saint Laurent.
« Les produits contrefaits occasionnent une perte annuelle de quelque 40 milliards de shillings [environ 420 millions d’euros] sur la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, l’impôt sur le revenu et les droits d’importation », déplore Allan Ngugi, responsable de l’Association des fabricants du Kenya (KAM).
Sommés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les bailleurs de fonds de s’attaquer sérieusement au problème, les autorités ont renforcé les pouvoirs des douanes et mis en place un système de surveillance des marchandises en transit (Electronic Car Tracking System). De nombreux produits (batteries, pneus, cassettes, CD, stylos à bille, allumettes, dentifrice, etc.) ont été détruits, et leurs vendeurs poursuivis en justice. Mais les peines encourues – une amende maximale de 5 300 euros – semblent peu dissuasives. Quand, bien sûr, elles sont appliquées !
Une loi en préparation (Draft Counterfeit Goods Bill) renforcera prochainement la législation en vigueur. S’agissant de la musique et des arts, une commission du copyright a été mise en place, qui a toute autorité pour poursuivre les « pirates ». Les autorités jouent également la carte de la sensibilisation du public, en organisant des campagnes d’information dans la presse. Il s’agit de mettre en évidence la très mauvaise qualité des produits proposés (piles, ampoules, matériel automobile…) et de démontrer que l’acheteur est, au bout du compte, pénalisé puisqu’il est obligé de renouveler régulièrement un matériel trop vite périmé.
La question ne pourra cependant être durablement réglée sans l’implication des pays voisins. Les autorités du Kenya, d’Ouganda et de Tanzanie, qui ont ratifié en mars 2004 la création d’une union douanière au sein de la Communauté est-africaine, prennent peu à peu conscience que la guerre aux contrefaçons nécessite une coopération régionale.

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