Donald Kaberuka »Notre pays peut servir de modèle »

Pour le ministre des Finances et de la Planification économique, la remise de dette, attendue en octobre prochain, doit permettre d’accélérer les chantiers de la reconstruction.

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 4 minutes.

Homme clé du régime, le grand argentier du Rwanda est en poste depuis 1997. Il est le principal artisan de Vision 2020, la stratégie de développement arrêtée par le gouvernement pour faire du pays des Mille Collines un modèle à suivre. Donald Kaberuka défend son projet et explique pourquoi il pense que l’économie rwandaise est sur la bonne voie.
C’est le secteur de l’agriculture qui a surtout vu sa croissance diminuer. Cette baisse s’explique par un déficit de pluies dans l’est du pays, région essentiellement consacrée à la culture bananière, un produit stratégique tant pour la consommation locale que pour l’exportation. Les autres secteurs de l’économie, notamment les services et le BTP, ont connu le même rythme de croissance que précédemment. Autre élément important, 2003 a coïncidé avec la fin de la transition politique et l’organisation d’élections générales. La communauté internationale, qui s’était engagée à soutenir et à financer ce scrutin, nous a fait faux bond. Cette opération a coûté au Trésor public près de 13 milliards de FRW (soit plus de 18,8 millions d’euros). Résultat : une inflation de 9 % à la fin du troisième trimestre 2003. Dès le mois de novembre, un train de mesures a été pris pour enrayer cette évolution. L’inflation a été ramenée à moins de 5 %. C’est pourquoi je dis que la tendance reste inchangée.
Savez-vous que le taux de croissance dans le secteur du BTP a été de 16 % en moyenne sur les trois dernières années ? Nous importons plus de 50 % des matériaux de construction que nous utilisons. Autre explication de la dépréciation de notre monnaie : l’augmentation des dépenses publiques pour la rénovation des infrastructures et la réhabilitation de ce qui a été détruit par la guerre.
Aucune. Nous avons un dialogue franc et constant avec le FMI. Nos interlocuteurs ont compris qu’il s’agissait d’éléments conjoncturels, et cela ne devrait pas avoir d’impact sur les accords que nous avons signés.
Nous sommes éligibles, depuis novembre 2002, à l’initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Jusque-là, nous étions en phase de décision. Autrement dit une phase probatoire durant laquelle le pays bénéficie d’une réduction de la dette intérimaire, c’est-à-dire qui ne concerne pas le stock de la dette, mais son service. Pendant deux ans, au lieu de payer 36 millions de dollars par an, nous ne payions que 18 millions. Si les institutions financières internationales constatent une maîtrise budgétaire et une amélioration des fondamentaux, le pays passe dans la phase d’achèvement. C’est notre cas, puisqu’en octobre 2004, le stock de notre dette, qui est de l’ordre de 1,4 milliard de dollars devrait être réduit à 400 millions. Soit un effacement de 1 milliard de dollars.
Je ne crois pas à ce scénario. Le programme d’allègement de la dette des pays les moins avancés ne dépend pas de critères politiques, mais de l’appréciation des performances économiques. De plus, le problème avec le Club de Paris n’a duré que quelques mois. Depuis, tout est rentré dans l’ordre.
Qu’ils se renseignent sur les taux pratiqués dans les pays de la sous-région. Les banques rwandaises sont les seules à financer à moins de 20 %. Ce qui constitue une performance, quand on sait que le génocide de 1994 a ruiné l’ensemble de notre système financier. Toutes nos banques ont connu des graves problèmes structurels, avec des créances non recouvrables, des portefeuilles non performants et des dizaines d’entreprises disparues. Cela explique la cherté du crédit malgré une inflation maîtrisée. Le manque de ressources dont souffrent les banques les empêchent de s’engager sur le long terme.
La création d’un marché de capitaux pourrait, par exemple, réduire le coût du crédit. Nous allons introduire un nouveau produit financier : le leasing. L’entrepreneur qui envisage de développer son activité pourra acquérir des biens d’équipement sous cette forme, qui mobilise moins de ressources financières. Dernière mesure : la réforme de la Banque rwandaise du développement (BRD) avec, à la clé, une augmentation du capital, qui lui permettra de financer les projets à moyen et à long terme à des taux convenables.
En dix ans, nos recettes fiscales sont passées de 42 milliards à 102 milliards de FRW. Cette performance a été atteinte sans hausse d’impôts, hormis la TVA. Les tarifs douaniers ont été réduits de 40 % à 11 %. Depuis janvier 2004, le Rwanda a intégré le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa). Cela signifie que tous les produits venant d’Égypte, du Kenya ou de Zambie sont exonérés de taxes. Pour que nos produits conquièrent les autres marchés, il fallait ouvrir le nôtre.
Notre ambition est de sortir le Rwanda de la catégorie des pays les moins avancés pour celle des pays à revenu intermédiaire. Cela revient à faire passer le revenu par habitant de 300 à 1 000 dollars par an. Avec une croissance démographique de 3 %, il faut que nous maintenions un taux de croissance économique à 7 % et une inflation maîtrisée à 2 % sur une période de dix ans. Ce que nous avons réalisé au cours de la décennie écoulée nous permet d’affirmer que c’est possible. Le génocide a fait chuter notre PIB de 65 %. Depuis, nous sommes passés de la 173e à la 158e place dans le classement établi par le Pnud sur le développement humain. Nous avons doublé notre PIB, nous avons jeté les bases pour le développement dans les domaines des infrastructures, de l’éducation et de la santé. Notre performance devrait constituer un modèle et un motif d’espoir pour tous les pays africains sortant d’un conflit ou d’une guerre civile.

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