De l’huile dans les rouages

L’État va céder l’une des principales sociétés nationales, se désengager de la filière arachidière et engranger entre 4 et 5 milliards de F CFA.

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

La Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos) est à vendre. Avec un chiffre d’affaires de 155 millions d’euros (102 milliards de F CFA) en 2002, le troisième plus gros contributeur au budget de l’État, après les secteurs de la pêche et du tourisme, emploie directement près de 2 300 salariés, dont 750 journaliers, et fait vivre plusieurs millions de paysans, surtout dans le « bassin » arachidier. Son activité principale : la production, dans quatre usines implantées à Dakar, Lyndiane (près de Kaolack), Diourbel et Ziguinchor, d’huile d’arachide et de tourteaux pour le marché international, le raffinage d’huiles végétales importées, la fabrication et la commercialisation de vinaigre, de margarine, de savon et de dentifrice, pour la consommation intérieure.
Après plusieurs tentatives infructueuses de privatisation, au cours de la dernière décennie, l’État, qui est l’actionnaire majoritaire (81,9 %), semble en passe de réussir son « désengagement » d’une entreprise déficitaire depuis plusieurs années. L’opération, prévue pour la mi-mai, devrait rapporter au Trésor public entre 4 et 5 milliards de F CFA (hors actifs immobiliers). Après une présélection, en décembre 2003, trois consortiums restent en lice pour la reprise d’un « géant » considéré, il n’y a pas longtemps encore, comme le fleuron de l’industrie sénégalaise : Guerte Sénégal (guerte signifie « arachide », en wolof), Lesieur Cristal et Advens.
D’abord, Guerte Sénégal. Sous cette dénomination, on retrouve la Société Diéwol Investissements (SDI), créée pour les besoins de la cause par des privés sénégalais et européens ; l’Association sénégalaise pour le développement à la base ; l’Union interprofessionnelle des semences ; ainsi que Sofiproteol, un établissement financier de la filière française des Huiles et Protéines végétales, qui a récemment pris le contrôle de Lesieur France, un des principaux acheteurs de l’huile d’arachide brute sénégalaise.
Ce consortium présente l’avantage d’être « un projet couleur locale » bénéficiant de l’expertise d’un associé français, Sofiproteol, lequel ne détient toutefois que 5 % dans le montage. Cela dit, la surface financière de Guerte Sénégal paraît insignifiante au regard de ses deux concurrents, et son expérience en matière industrielle, commerciale et internationale reste à être démontrée.
Deuxième repreneur potentiel de la Sonacos, Lesieur Cristal, une filiale de l’ONA, premier groupe privé marocain, présent dans l’agrobusiness, les mines, la finance, la distribution et l’immobilier. Lesieur Cristal est le leader marocain des corps gras, et ses activités sont quasi identiques à celles de la Sonacos : trituration de graines oléagineuses et production d’huiles brutes (120 000 t par an) et de tourteaux (380 000 t), raffinage d’huiles brutes alimentaires (300 000 t) et production de savon (40 000 t). Alors que les relations sénégalo-marocaines sont idylliques depuis l’accession du président Abdoulaye Wade au pouvoir, en mars 2000, Lesieur Cristal peut se prévaloir aussi bien de son propre savoir-faire dans l’industrie des corps gras que de la surface financière de sa maison mère, l’ONA. Mais, outre le fait que c’est sa première grande « sortie » hors des frontières du royaume chérifien, la connaissance des organisations agricoles de producteurs lui fait défaut.
Troisième consortium candidat à la reprise de la Sonacos, Advens. Créé en 1988 par un Franco-Sénégalais installé depuis un quart de siècle à Paris, Abbas Jaber, ce groupe spécialisé dans le négoce des produits agroalimentaires s’est associé avec trois partenaires. À savoir : la société belge De Smet, premier constructeur mondial de raffinerie d’huile de table, qui travaille avec la Sonacos depuis quarante ans ; Sodefitex, une filiale du groupe français – connue dans la filière coton – Dagris ; et la Société de participation industrielle (SPI) qui regroupe plus de 95 % du personnel de la Sonacos. « Nous souhaitons acquérir la Sonacos pour en faire une base industrielle pour la conquête d’autres marchés d’Afrique de l’Ouest et centrale sur lesquels nous vendons déjà plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’huile », explique Abbas Jaber, 45 ans, dont la famille est installée de longue date à Thiès. Advens et ses partenaires se fixent pour objectifs d’investir « plusieurs milliards de francs CFA » dans l’entreprise, de mieux organiser la filière arachidière, de développer les productions annexes et, surtout, de reprendre la totalité des actifs et le personnel.

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