CorneilleAuteur, compositeur et interprète

Pas si seul au monde

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

Costume impeccable, sourire charmeur, Corneille – Cornélius Nyungura pour l’état civil – s’est offert une seconde vie. Les avis sont unanimes : une star est apparue dans la nuit black du R&B. Certains convoquent les maîtres et les modèles : Prince, Marvin Gaye, Stevie Wonder. D’autres, la singularité d’un chanteur soul « pas comme les autres ». Son album Parce qu’on vient de loin – sorti en février 2003 et réédité huit mois plus tard – a touché sa cible, trouvé un public. Résultat : 350 000 exemplaires vendus et des concerts qui se jouent tous à guichets fermés. Un succès d’autant plus remarquable que le jeune homme, âgé de 27 ans, aime surfer sur la vague… mais à contre-courant. Alors que tout le monde l’attend avec des platines et des basses, il se présente sur scène entouré d’un guitariste, d’un percussionniste et d’un violoncelliste. Et tous les soirs, l’alchimie semble opérer. Quel est donc le secret du « phénomène Corneille » ? Sans doute un peu de chance et beaucoup de soi.

Ses chansons, écrites en français, sont toutes de sa composition. Il y parle de ses rêves futurs et de ses cauchemars passés. « On dit souvent que j’ai l’air d’avoir/Tout pour moi, mais c’est sans savoir/Les fantômes qui me hantent (et)/Les requiems que je me chante. » Ainsi débute sa chanson phare, « Seul au monde ». Plus loin, dans un autre tube, on entend : « Voilà je vous explique, je viens du bas/Au coeur de mère Afrique/c’est le Rwanda tu vois. » Les paroles se déroulent, les refrains s’égrènent. Corneille est rwandais, aujourd’hui exilé au Québec. Les souvenirs remontent à la surface : une enfance heureuse en Allemagne puis à l’adolescence, un retour au pays des racines. Ses parents sont ingénieurs, et la vie est plutôt facile. Son avenir semble tracé : « Tu m’as toujours dit/ »il faut que tu deviennes quelqu’un/… un docteur, un politicien, quelqu’un de bien » », glisse-t-il dans « Sans rancune ».
Mais à 16 ans, le jeune Corneille ne rêve que de musique. Il écoute les maîtres de la soul américaine, mais aussi les disques de ses parents – Brel, Brassens, Aznavour. Avec son premier groupe, il remporte le prix « Découverte 1993 » décerné par la télévision rwandaise. Un an plus tard, son pays sombre dans l’horreur du génocide. Toute sa famille est massacrée sous ses yeux. Il fuit alors au Congo voisin, rescapé anonyme d’une longue colonne de réfugiés. Mais très vite, il quitte les camps de fortune érigés en territoire congolais pour rejoindre des amis de ses parents à Düsseldorf. Il a la vie sauve, mais tout à reconstruire. Son bac en poche, il poursuit sa route d’exil. Direction Montréal, au Québec, où il se lance dans des études de communication.
Mais l’envie de faire de la musique le poursuit toujours. Après avoir convolé quelque temps avec le groupe ONE, fondé avec deux amis, il poursuit sa route en solo. À mesure qu’il délaisse l’anglais au profit du français, ses textes deviennent plus intimes et personnels. Il a coutume de présenter ce travail d’écriture comme une phase de « thérapie » tant nécessaire que rédemptrice. Il y a un an, quelques jours après la sortie de son album, il déclarait même à une journaliste du quotidien français Libération : « J’assume le risque qu’on s’intéresse plus à mon histoire qu’à ma musique, mais je ne me considère plus comme un survivant dans la mesure où je vis au présent. Ce que je veux partager, c’est le fait qu’on survit à tout. »

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Finalement, l’année 2003 fut celle de la consécration : beaucoup d’articles dans la presse, de plateaux de télévision et un public de fans – essentiellement féminin ! Un an tout juste après la sortie de son disque, le jeune artiste était aussi récompensé par deux nominations aux fameuses Victoires de la musique, dans la catégorie « révélation » et « album de l’année ». Et pour que l’histoire ne s’arrête pas là, Corneille s’attelle déjà à l’écriture de ses prochains albums, l’un en français, l’autre en anglais.
Son succès hexagonal a reçu un certain écho au Rwanda. Mais, si on l’aperçoit assez souvent à la télévision, personne ne le connaît vraiment ou même ne fredonne ses chansons. Dans les boîtes de nuit de la capitale, les jeunes Rwandais continuent de préférer les tubes américains ou même le ndombolo congolais. Et pourtant, Corneille est devenu presque malgré lui l’ambassadeur de son pays à l’étranger.
Même s’il garde de nombreux amis au Rwanda, il n’a jamais trouvé le temps ou le courage d’y retourner depuis avril 1994. Même s’il évoque souvent son envie d’organiser un grand concert à Kigali.

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