Comment la France décourage les investisseurs étrangers

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

La France, deuxième puissance économique d’Europe après l’Allemagne, accuse, depuis six ans, un retard considérable en ce qui concerne les investissements directs étrangers (IDE) – que ce soit en valeur absolue ou en croissance annuelle – par rapport au Royaume-Uni, à l’Allemagne, à la Belgique et au Luxembourg. Les dirigeants français ont de quoi s’inquiéter, du fait notamment que le taux de chômage de l’Hexagone, 9,6 % de la population active, est l’un des plus élevés d’Europe. Et ils auraient de quoi s’inquiéter un peu plus s’ils analysent ce qui décourage les investisseurs éventuels. Car cette situation ne s’explique pas par les tensions politiques transatlantiques, ni par un euro fort, ni même par les délocalisations vers les marchés émergents. Plus que tout, c’est la politique gouvernementale qui est en cause.
La législation sur les 35 heures impose aux employeurs de réduire le temps de travail tout en maintenant un niveau de salaire identique. Même si, aujourd’hui, les petites entreprises en sont exemptées, la réduction du temps de travail (RTT) constitue le plus gros frein aux IDE, affirme Ernest-Antoine Seillière, le leader du Medef, principal syndicat patronal français. La RTT contrecarre aussi les efforts qui sont faits pour attirer des professionnels qualifiés, et donc bien rémunérés, dans les secteurs de la recherche et de la technologie – des postes qui impliquent de travailler longtemps, à des horaires irréguliers. « Le gouvernement prétend encourager les embauches, mais il déprécie le travail », insiste Seillière.
La loi qui oblige les patrons à négocier avec les salariés avant toute restructuration ou dégraissage de l’entreprise est un autre obstacle aux investissements. L’exemple de Nestlé, le producteur de l’eau minérale gazeuse Perrier, est édifiant. Les 1 600 salariés de l’usine Perrier implantée dans le sud de la France fabriquent quelque 600 000 bouteilles par an, soit moins de la moitié de la production de l’usine italienne San Pellegrino. Nestlé a envisagé de proposer des formules de retraite anticipée afin de se défaire d’un quart de sa main-d’oeuvre Perrier, mais l’offre a finalement été rejetée après avoir été débattue pendant des mois avec les syndicats. Frustrés, les dirigeants de Nestlé menacent à présent de vendre Perrier. « On ne peut pas risquer de fragiliser nos autres marques pour un produit qui ne représente que 5 % de nos ventes », explique Frits Van Dijk, le directeur du département eau chez Nestlé.
Ces difficultés ne sont-elles pas compensées par le fait que les salaires français sont relativement bas comparés aux standards européens ? Une étude officielle sur les coûts des gros salaires a montré qu’une entreprise qui débourse 147 000 dollars par an pour un employé paie 70 000 dollars supplémentaires de charges tandis que le salarié, pour sa part, perd 61 000 dollars en sécurité sociale et en impôt sur le revenu. Le poids des charges est nettement plus lourd que dans n’importe quel autre pays d’Europe.
Certaines multinationales délocalisent donc leur main-d’oeuvre qualifiée vers des pays moins chers. Colgate Palmolive Co. a récemment quitté son siège européen de Compiègne, à côté de Paris, pour s’installer à Zurich. De même, l’entreprise britannique Kingfisher a préféré déménager de Lille à Londres les bureaux de Castorama, une chaîne de magasins de bricolage.

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