African Connection

Développement de la culture du cannabis, rôle accru du continent dans le trafic international, parfois au profit de mouvements rebelles… L’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) lance un cri d’alarme.

Publié le 5 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique est menacée par un nouveau fléau : la drogue. C’est ce qui apparaît à la lecture du rapport 2003 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS). La production de cannabis, mais aussi la consommation et le trafic illicite de drogues diverses ne cessent d’augmenter. En 2003, 5 000 tonnes de cannabis ont été saisies à travers le monde, dont environ 25 % en Afrique. Ce taux ne dépassait pas 10 % il y a cinq ans.
La fréquence accrue des contrôles n’est certes pas étrangère à cette évolution, mais elle n’explique pas tout. « L’Afrique demeure un important fournisseur de cannabis », estime l’OICS. Nouveauté : la production n’est plus seulement destinée au marché local, mais alimente aussi le trafic international. Il est évidemment difficile d’évaluer avec précision la superficie consacrée à la culture du cannabis. Seule certitude : celle-ci prospère généralement dans des zones isolées, difficiles d’accès ou contrôlées par des mouvements rebelles. Dans des pays comme le Ghana, le Nigeria et le Sénégal, il est désormais cultivé à grande échelle, au détriment des cultures vivrières.
« Les régions où le cannabis a supplanté l’agriculture de subsistance vont être confrontées à des pénuries alimentaires, comme ce fut le cas en Afghanistan avec le pavot », s’alarme Antonio Mazzitelli, le représentant en Afrique de l’Ouest de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). À moyen terme, le pouvoir d’achat des producteurs baisse à mesure que les denrées alimentaires se raréfient sur les marchés et que leurs prix augmentent.
La famine redoutée par l’OICS épargne, pour l’instant, l’Afrique subsaharienne. Pour combien de temps ? Mesurant mal les risques, les paysans restent sensibles aux arguments des trafiquants, qui leur font miroiter une meilleure qualité de vie. D’autant que la demande ne cesse d’augmenter et que les réseaux clandestins sont de mieux en mieux organisés. « L’Afrique de l’Ouest devient une véritable plaque tournante du trafic », explique le représentant de l’ONUDC, qui est présent dans vingt-trois pays africains. Pour brouiller les pistes, les gros producteurs utilisent la sous-région comme une zone de transit. C’est le cas des Marocains, qui fournissent à l’Europe presque 70 % du cannabis qu’elle consomme. Soit environ 2 300 t en 2003.
Plus inquiétant, le rapport relève que le trafic ne concerne plus uniquement le cannabis, mais aussi les drogues dites « dures ». Des bateaux chargés de cocaïne quittent ainsi le Brésil pour l’Angola, le Nigeria ou l’Afrique australe, puis prennent la direction de l’Europe. Même chose pour les opiacés en provenance du Pakistan et d’Asie du Sud-Est, généralement transportés par avion.
Toujours selon l’OICS, « des informations recueillies […] en Côte d’Ivoire, au Liberia et en Centrafrique montrent que les armes et les munitions dont certains groupes rebelles et organisations criminelles se servent pour déstabiliser ces sous-régions proviendraient en partie du produit du trafic de drogue ». Il s’agirait souvent d’échanges du type « drogue ou diamants contre armes ».
Non contents de faire transiter les stupéfiants par l’Afrique, les trafiquants y recrutent aussi de jeunes passeurs et revendeurs, notamment en Afrique du Sud. Par ailleurs, l’usage de plus en plus fréquent de drogues par injection augmente sensiblement les risques de propagation du VIH et des hépatites. « Ce phénomène est très alarmant dans une région [l’Afrique australe] où la prévalence du VIH-sida est déjà très élevée », commente Thomas Zeindl-Cronin, le représentant de l’Organe à Pretoria.
Entre 2002 et 2004, la police sud-africaine a démantelé trente laboratoires clandestins qui fabriquaient de la methcathinone, une substance psychotrope. Et cent millions de comprimés d’ecstasy ont été saisis. En 2003, pour la seule Afrique du Sud, la valeur de ces saisies avoisinait 54,5 millions d’euros. L’Union africaine s’est pour sa part dotée d’un Plan d’action pour la période 2002-2006. Une cellule de contrôle des drogues et de prévention des crimes a été créée.

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