Umuganda

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Un simple mot peut, parfois, receler la pire des réalités. Dans les années 1990, sous le régime farouchement ethniciste de Juvénal Habyarimana, l’Umuganda – cette journée mensuelle de travail collectif censée unir dans l’effort tous les Rwandais – était devenue un week-end de cauchemar. Régulièrement, les leaders du Hutu Power appelaient leurs miliciens à un Umuganda très spécial, le « travail » consistant à massacrer le maximum de Tutsis en un minimum de temps. Quinze ans plus tard, l’Umuganda a retrouvé son sens originel, au point de symboliser l’engagement de tout un pays à souscrire aux règles de la bonne gouvernance.
Cette obligation, dans le cas du Rwanda, est tout sauf formelle. La bonne gouvernance économique est en effet le socle du régime Kagamé. Vis-à-vis de l’extérieur, elle a pris le relais de la légitimité morale issue des fosses communes du génocide et elle permet au gouvernement de continuer à bénéficier d’une aide internationale qui est directement à l’origine de l’exceptionnelle reconstruction du Rwanda d’après-guerre. À l’intérieur, la gestion rigoureuse des deniers publics aide à accepter les limites imposées d’une démocratie méticuleusement contrôlée. Il faut dire que l’exemple vient d’en haut : comparativement à ses voisins, Paul Kagamé est un président ascétique et le train de vie de l’État est des plus sobres. Ministres et hauts fonctionnaires savent que les voitures et les villas de fonction ne leur appartiennent pas. Quant aux femmes, elles ont été les premières sur le continent à profiter d’une stricte législation en faveur de la parité.
Le plus, ici, tient sans doute à l’attitude très nationaliste des hommes d’affaires locaux. Aussi libéral en économie que dirigiste en politique, le pouvoir en place depuis 1994 a permis à nombre de businessmen de la diaspora de revenir s’installer au pays. Les nouveaux quartiers de Kigali, où abondent les belles villas en construction, témoignent de ce retour des grosses fortunes. Qu’il existe, à ce niveau, des poches de corruption est une évidence. Mais il s’agit là d’une corruption « asiatique », paradoxalement patriotique, dont le produit est très largement réinvesti sur place : la fuite des capitaux est un phénomène quasi inconnu au Rwanda.
Certes, tout n’est pas idyllique au pays des Mille Collines. Le modèle de développement à la coréenne appliqué ici a creusé les inégalités, et la traduction de la croissance en termes de diminution de la pauvreté n’a pas encore donné les résultats escomptés. Mais il s’agit là, assure-t-on à Kigali, d’une phase transitoire par laquelle doivent passer toutes les économies émergentes en période de décollage. Avant que se desserre la main de fer dans un gant de velours qui les tire vers des lendemains meilleurs, les Rwandais devront donc encore patienter.

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