Toujours plus

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Production en hausse, ventes en baisse. Tel est le bilan paradoxal de l’édition française en 2006. Après un tassement de 0,5 % en 2005, le marché du livre a encore reculé de 1,5 % l’an dernier. Le plus mauvais résultat depuis quinze ans indique le magazine Livres Hebdo. À l’exception du poche, de la bande dessinée, du parascolaire, des essais et documents, tous les secteurs sont affectés par une récession dont le climat de morosité économique est pour une bonne part responsable.
Pendant ce temps, le nombre de titres publiés continue à augmenter : 57 728 l’an dernier, contre 53 462 en 2005 et 35 000 environ en 1997, soit une hausse de 65 % en dix ans. Le mouvement touche la plupart des catégories d’ouvrages, à commencer par la littérature, où le nombre de nouveaux titres est passé de 20 795 à 22 576 entre 2005 et 2006.
Pourquoi une telle inflation ? Comme l’explique le magazine Livres Hebdo dans son numéro du 23 février, elle tient à plusieurs facteurs concomitants. Parmi ceux-ci, l’évolution technologique, qui a sensiblement baissé les coûts de fabrication. On sait par exemple que L’Harmattan, champion de France pour le nombre de titres (voir le tableau), ne tire ses livres qu’à quelques centaines d’exemplaires et peut les réimprimer au fur et à mesure des besoins.
Il est aussi une catégorie d’acteurs qui trouvent leur intérêt dans cette évolution : les puissantes sociétés de distribution : Hachette, Sodis, la filiale de Gallimard, Interforum pour le groupe Editis… Celles-ci, en effet, facturent leurs prestations sur l’ensemble des mouvements, de l’envoi en office des livres aux libraires jusqu’aux retours des invendus par ces derniers. Que les ouvrages trouvent preneur ou pas, les distributeurs gagnent de l’argent
Les éditeurs, de leur côté, doivent s’adapter à une demande de plus en plus morcelée en diversifiant leur offre. Quand ils ne sont pas obligés de réorienter leur production pour suivre les nouvelles tendances. Dans le secteur de la bande dessinée, par exemple, le manga prend une importance grandissante.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire le mouvement de concentration qui touche l’industrie de l’édition, les grands groupes ne sont pas responsables de l’emballement de la production. Les dix plus importants (Hachette, Editis, Flammarion) ont même vu leur part dans la production totale de nouveaux titres passer de 39 % en 2005 à moins de 37 % en 2006. Quant aux petites maisons, si elles ne produisent guère plus, elles sont beaucoup plus nombreuses. En dix ans, le nombre d’éditeurs publiant au moins un titre par an a augmenté de plus de 50 %, passant de 2 662 à 4 032.
Il ne faudrait pas croire que la surproduction éditoriale est une spécialité française. En 2005, l’Allemagne a produit environ 89 900 nouveautés, l’Espagne 69 600 et l’Italie 53 200. La Grande-Bretagne bat tous les records avec 216 000 nouveautés en 2006. Même si, comme le souligne Livres Hebdo, la publication à l’identique de titres américains constitue une part importante de ce total exorbitant.
Impossible de s’attarder ici sur les bienfaits et les méfaits de l’avalanche de nouveautés dans les librairies. Pour ces derniers, c’est une catastrophe. Le lecteur, pour sa part, devrait se féliciter d’avoir toujours plus de choix. En réalité, submergé par une offre pléthorique, il achète les livres qui sont déjà de gros succès (comme Da Vinci Code de Dan Brown) ; on a inventé le terme « méga-long-seller » pour désigner ce type d’ouvrage. La littérature de qualité, elle, ne gagne rien dans l’affaire.

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