Pourquoi les Occidentaux sont fâchés avec le mariage

Aux États-Unis comme en Europe, les couples sont de moins en moins nombreux à convoler en justes noces. À cela plusieurs explications.

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

De recensement en recensement, les États-Unis affichent une singularité démographique parmi les pays développés. Avec un indice de fécondité de 2,1 enfants par femme et un taux de natalité de 14 pour 1 000, c’est la seule grande puissance industrielle – avec, à un degré moindre, la France – à connaître encore une croissance naturelle soutenue. Pour expliquer pourquoi les Américaines sont plus prolifiques que les Allemandes, les Japonaises ou les Russes, on avance, entre autres facteurs, une plus grande égalité des sexes et une forte religiosité.
Cette dernière, pourtant, ne joue plus en faveur du mariage. Selon les statistiques du Bureau du recensement, plus de la moitié des femmes vivent désormais sans époux. Pour plusieurs raisons. D’une part, les plus jeunes se marient plus tard ou vivent plus longtemps avec des partenaires sans être mariées avec eux. L’espérance de vie féminine étant supérieure à la masculine, on compte également plus de veuves que de veufs. Autre particularité, lorsque les Américaines ont divorcé, elles hésitent plus que les hommes à se remarier.
Comme le montrent quantité d’enquêtes sociologiques, le mariage n’a plus la cote aux États-Unis. La tendance est encore plus prononcée en Europe. En France, notamment, où la baisse des unions légales (- 30 % depuis vingt-cinq ans) a été confirmée en 2006 : 274 400 mariages ont été célébrés, soit 8 800 de moins que l’année précédente. Et l’on convole pour la première fois de plus en plus tard : 29,1 ans en moyenne pour les femmes, 31,1 ans pour les hommes. Ainsi le taux de nuptialité (le nombre de mariages rapporté à la population totale) est-il tombé à 4,3 pour 1 000 en 2004. Ce qui situe la France parmi les champions de l’union libre en Europe, derrière la Belgique (4,3) et la Slovénie (3,3). Par comparaison, le taux de nuptialité est encore de 7,8 pour 1 000 aux États-Unis.
Si, dans le monde occidental, les gens ne se marient plus, cela ne veut pas dire qu’ils ne vivent plus en couple. D’autres formes de consécration de la vie à deux ont vu le jour. En France, le pacte civil de solidarité (Pacs), institué en 1999, accorde aux couples les mêmes avantages fiscaux et sociaux en leur épargnant les contraintes du mariage traditionnel. Ce qui explique son succès : 60 000 pactes conclus en 2005 (+ 50 % par rapport à 2004).
Le déclin de la pratique religieuse n’explique qu’en partie celui du mariage. Celui-ci était autrefois le sésame grâce auquel un garçon et une fille étaient autorisés à avoir des relations sexuelles. Mais il avait aussi une fonction sociale primordiale. Il marquait l’entrée de la jeune fille dans une autre famille tout en indiquant la capacité de son futur conjoint à assumer ses responsabilités familiales. Le nouveau couple allait s’établir hors du domicile des parents et pouvait faire des enfants puisque la jeune mère, condamnée à rester au foyer, avait tout le loisir de s’en occuper. Ce schéma ne fonctionne plus depuis que garçons et filles suivent de longues études et que les femmes ont conquis leur autonomie économique par le biais du travail. À cela s’est ajoutée l’évolution des murs. Pour les sociétés occidentales, en ville surtout, le concubinage n’a plus rien de répréhensible. Dans beaucoup de cas, les parents trouvent même qu’il permet aux jeunes gens d’expérimenter la vie en commun avant de se passer la bague au doigt. D’abord limitée aux couples sans enfant, l’union libre est devenue un cadre comme un autre pour fonder une famille. L’an dernier, en France, près de 60 % des couples ayant leur premier enfant n’étaient pas mariés. Mariage et procréation sont aujourd’hui tellement dissociés que, en Europe à tout le moins, les couples légalisent souvent leur union quand leurs enfants sont grands. En cause, l’héritage. Car s’il n’y a plus de différence en la matière entre ce que l’on appelait autrefois « enfants naturels » et « enfants légitimes », la loi continue à pénaliser le partenaire non marié lorsque son conjoint décède.
On se marie donc encore, mais pour combien de temps ? Dans un nombre grandissant de cas, les couples se séparent très rapidement. Comme le mariage, le divorce s’est banalisé, et l’on n’en fait plus un drame. En 2004, sur 134 600 divorces prononcés en France – un nombre équivalant à près de la moitié de celui des mariages -, quelque 20 000 concernaient des couples unis devant le maire depuis moins de cinq ans. Qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, l’individualisme régente désormais tous les aspects de la vie sociale en Occident.

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