Nouvelle frontière

Les hommes d’affaires lorgnent avec convoitise le marché algérien. Qui se révèle plus difficile à conquérir que prévu.

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Avec près de 33 millions de consommateurs – et, sans doute, 48 millions en 2050 -, le marché algérien fait figure de nouvel eldorado. « Tout est à faire dans ce pays », estime un chef d’entreprise tunisien en tournée de prospection avec des collègues. Au bar de l’hôtel Sofitel d’Alger, le petit groupe dresse le bilan de cette première journée de rencontres. Jamais ils n’auraient imaginé que l’Algérie puisse être la solution à leurs problèmes avant qu’une poignée de pionniers ouvrent la voie : Loukil (propriétaire de l’enseigne de téléphonie mobile Fono), Belaïd (spécialisé dans les industries chimiques), Bouricha (avec Discovery, services informatiques) ou encore Mzabi (Sony téléviseurs). « Ils ont profité de la conjoncture favorable que connaît l’Algérie depuis cinq ans », commentent les Tunisiens.
De fait, entre 2002 et 2005, le taux de croissance moyen a été supérieur à 5 %, tandis que le pouvoir d’achat augmentait de plus de 30 % en cinq ans. Grâce à la flambée des cours des hydrocarbures, les réserves de change se sont envolées (56 milliards de dollars à la fin de 2005) et le taux de chômage a été ramené à environ 12 %, alors qu’il avoisinait 30 % en 2000. Bref, l’Algérie offre un environnement propice aux investissements. Nos hommes d’affaires tunisiens en sont bien conscients, mais sans illusions : « La concurrence est devenue acharnée, tout le monde veut sa part du gâteau. »
Spécialisé dans le textile, plus précisément le délavage, l’un d’eux ne cache pas ses difficultés : « J’envisage d’ouvrir une boutique de vêtements avenue Didouche-Mourad, la grande artère commerciale d’Alger, mais plusieurs concurrents comme la société franco-tunisienne Megastone ont eu l’idée avant moi. » Il regrette que les grossistes algériens se soucient en général fort peu de l’image de marque et du positionnement du produit (« Ils se contentent d’écouler la marchandise, c’est pour ça qu’il faut avoir un bon partenaire sinon, à terme, on se grille sur le marché ») et que la législation algérienne soit aussi peu favorable au rapatriement des bénéfices. Et puis, les produits tunisiens ne bénéficient pas toujours des mêmes exonérations de droits de douane que leurs concurrents européens
Après quelques bières, le ton monte et les langues se délient. Apparemment, les Tunisiens apprécient assez peu le caractère ombrageux de nombre d’Algériens. Le nif (« fierté, orgueil »), comme on dit ici. « Ce matin même, raconte l’un d’eux, j’ai rencontré un collègue algérien pour discuter d’un éventuel partenariat. J’étais convaincu que nous allions aboutir, jusqu’au moment où j’ai évoqué la complémentarité indispensable, à mes yeux, à la réussite de notre association. Aussitôt, mon interlocuteur a mis fin à la conversation en m’expliquant que c’était moi qui avais besoin de lui et non l’inverse. » Côté algérien, « l’affaire des téléviseurs » écoulés en Algérie par des hommes d’affaires tunisiens peu scrupuleux avec de faux certificats d’origine est encore loin d’être oubliée.
Pourtant, les problèmes d’ego s’estompent peu à peu. Une bonne soixantaine d’entreprises tunisiennes sont aujourd’hui installées en Algérie. Et une quarantaine d’algériennes en Tunisie. Les deux parties sont d’accord sur la nécessité d’accroître le montant de leurs échanges commerciaux, qui ne dépasse pas actuellement 300 millions de dollars par an, et celui des investissements tunisiens en Algérie, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, du textile, du bâtiment et, surtout, des services.

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