Naissance de la Côte d’Ivoire

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Dans une France où les esprits étaient surtout accaparés par le scandale financier du Panamá, l’événement passa presque inaperçu. Pourtant, la création, le 10 mars 1893, de la colonie de Côte d’Ivoire marquait la naissance d’un pays. Un pays fort de ses innombrables ressources naturelles, mais à l’équilibre humain fragile, car créé de toutes pièces par une puissance extérieure, comme ce fut souvent le cas en Afrique à la fin du XIXe siècle.
Moins de dix ans après la conférence de Berlin (1884-1885) au cours de laquelle les pays européens s’étaient entendus sur un partage du continent, la mainmise des Français sur cette partie du golfe de Guinée allait de soi, pourrait-on dire. Certes, les Portugais avaient été les premiers, dès le XVe siècle, à explorer la zone côtière. Plusieurs localités telles que San Pedro, Fresco et Sassandra (de Sant’Andrea) ont conservé dans leur toponyme la trace de ce passage. Certes aussi, les Anglais avaient croisé dans les parages, commençant à recruter des marins chez les Krous, population vivant à cheval sur la frontière avec le Liberia. Mais la Gold Coast (Côte de l’Or, le Ghana actuel) voisine les intéressait autrement plus.

Si les premiers contacts des Français avec la future Côte d’Ivoire remontent au début du XVIIe siècle, en particulier avec Assinie, à l’est d’Abidjan, ce n’est qu’au siècle suivant que leur présence devient significative. Naviguant régulièrement dans la région à partir de 1830, l’amiral Bouët signe plusieurs contrats commerciaux avec des chefs locaux. En juillet 1843, le lieutenant de vaisseau Fleuriot de Langle pénètre dans la lagune d’Aby, à l’extrême sud-est du pays, et conclut un traité de protectorat avec le roi du Sanwi. Un fort est construit à Dabou, des commerçants s’installent à Assinie et à Grand-Bassam. Vers la fin du XIXe siècle, les Français se lancent dans l’exploitation forestière, la prospection de l’or et, surtout, créent les premières plantations de café à partir de plants importés du Liberia.
Le territoire constitué en colonie en 1893 couvre une superficie de 322 000 km2 et regroupe près d’un million d’habitants (ils sont aujourd’hui presque vingt fois plus nombreux). Ses frontières ont été délimitées par Louis-Gustave Binger, un officier de marine qui s’est distingué par ses voyages dans la boucle du Niger. À 36 ans, il devient le premier gouverneur de la Côte d’Ivoire, avec résidence à Bassam, non loin d’Abidjan, et donnera son nom à la deuxième capitale du pays, Bingerville, qui supplantera Bassam en 1900.
Si les Français sont assez bien implantés dans le sud-est du pays, ils se heurtent ailleurs à de nombreuses résistances. Dans les savanes du Nord, en grande partie islamisées, ils font face aux troupes du redoutable Samory Touré, qu’ils ont déjà affronté dans le Haut-Niger (le Mali actuel) où ce chef militaire et religieux s’était taillé un vaste empire. La traque de Samory ne s’achèvera qu’en 1898 par sa capture et sa déportation au Gabon.

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La Côte d’Ivoire n’en est pas pour autant pacifiée. Dans la décennie qui suit, les insurrections se multiplient, notamment chez les Baoulés, au centre du pays. La répression (incendies de villages, campagnes de terreur) est féroce. Après 1915, la résistance prend d’autres formes : refus de payer l’impôt, sabotage des cultures obligatoires
Pendant ce temps, en effet, la puissance occupante a entrepris de « mettre en valeur » sa colonie. Lancée en 1904, la construction d’un chemin de fer devant relier la côte Atlantique au Moyen-Niger atteint Bouaké en 1912, Bobo-Dioulasso, au sud du Burkina actuel, en 1933. Parallèlement sont engagés les travaux d’aménagement du port d’Abidjan, ville qui deviendra, en 1934, la troisième capitale du pays (avant que Yamoussoukro ne lui succède officiellement en 1983).
Fondé sur l’exploitation de la forêt, du coton, du café et surtout du cacao, le développement de la Côte d’Ivoire en fait bientôt le territoire le plus prospère de l’Afrique-Occidentale française, ensemble dans lequel la colonie a été intégrée en 1905. Ce développement profite essentiellement aux colons européens, mais il permet aussi l’enrichissement de planteurs locaux qui, après la Seconde Guerre mondiale, seront le fer de lance de la lutte pour l’indépendance. Parmi eux, un certain Félix Houphouët-Boigny.

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