« Même les enfants savent ce qu’est un génocide »

Valérie Nyirahabineza, ministre du Genre et de la Protection familiale, détaille la politique dont elle a la charge.

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Pour aider les femmes rwandaises à affronter les difficultés de la vie quotidienne, un ministère a été créé. Rencontre avec Valérie Nyirahabineza, ministre du Genre et de la Protection familiale.

Jeune Afrique : Pourquoi une femme doit-elle nécessairement diriger le ministère du Genre et de la Protection familiale ?
Valérie Nyirahabineza : Le chef de l’État a compris que si les femmes, qui représentent la majorité de la population, n’étaient pas promues, toute la nation en souffrirait. Il a fallu que ce ministère soit confié à une femme parce qu’elle connaît mieux les spécificités des problèmes féminins.
Ce n’est pas une façon de dire : « Aux femmes, les problèmes des femmes » ?
Pas du tout ! Je vais vous donner un exemple. En médecine, il est conseillé de laisser une femme s’occuper des personnes victimes de certains traumatismes, parce qu’elles seront plus à l’aise pour se confier. C’est le cas pour les femmes qui ont subi des viols pendant le génocide de 1994. Il leur est plus facile de parler à des femmes.
Depuis que les femmes rwandaises occupent la scène politique, le regard des hommes a-t-il changé à leur égard ?
Auparavant, dans la culture rwandaise, une femme ne pouvait être promue, ni avoir des droits. Mais, avec le temps, les hommes ont fini par s’y faire, bien qu’il soit encore nécessaire de poursuivre la sensibilisation dans les milieux ruraux. Des campagnes d’information devraient y être menées.
Après les événements de 1994, beaucoup de Rwandaises sont devenues chefs de famille. Comment s’en sortent-elles ?
L’histoire tragique de notre pays a eu des conséquences sur le rôle de la femme dans la société. Les femmes ont été obligées d’être à la fois mères, éducatrices et « pères » de famille. Et elles s’en sortent bien. Elles ont pu s’introduire dans des domaines auxquels elles n’avaient pas accès. Et nous nous devons de les soutenir à travers des programmes spécifiques et la mise en place de politiques conçues pour elles
Que faites-vous pour leur formation et leur accès à l’emploi ?
La femme rwandaise, peu importe sa position, a toujours besoin d’apprendre. Nous venons d’élaborer, conjointement avec le ministère chargé de la Formation, de la Fonction publique et de l’Emploi, une politique liée à la formation des femmes et à leur accès à l’emploi. Nous devons surtout identifier les secteurs dans lesquels elles doivent être formées.
Votre ministère mène-t-il des actions en matière de planning familial ?
Une politique de la famille a été adoptée en Conseil des ministres. Nous n’avons toujours pas déterminé le nombre d’enfants par famille, mais nous voulons que les gens vivent correctement. Au ministère de la Famille, il ne nous appartient pas de donner des orientations précises en matière de contraception. Mais nous mobilisons les familles pour qu’elles suivent la politique de planning familial initiée par le ministère de la Santé. Avec plusieurs organisations et structures, notamment le Conseil national des femmes, l’Observatoire du genre, la Commission nationale pour l’enfance, nous voulons rendre cette campagne bénéfique. Mais il faut que les hommes et les femmes perçoivent ce problème de la même façon.
Et l’enfant dans tout cela ?
La particularité des enfants rwandais, orphelins ou pas, c’est qu’ils sont conscients des événements que le pays a connus. Cette tragédie les a également touchés. Certains d’entre eux ont été forcés de participer aux tueries, et sont devenus complices du génocide. Pour remédier à tout cela, nous n’avons qu’un souci : les considérer comme l’avenir de notre pays.
Le président Paul Kagamé vient de recevoir un prix pour son action en faveur de la parité. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Le président Kagamé a toujours prôné l’égalité de toutes les couches de la population. C’est pourquoi notre pays a connu des avancées très significatives en ce qui concerne la promotion de la femme. Beaucoup de pays étrangers envoient des émissaires ici pour s’inspirer de notre expérience en matière de parité. Il faut préciser que le prix a été décerné au chef de l’État par un jury qui s’est basé sur des critères objectifs. Nous sommes ici pour transformer en actions concrètes les politiques conçues par les différents ministères.
Aujourd’hui, la femme rwandaise est-elle réellement émancipée ?
Je le confirme. Évidemment, il reste beaucoup à faire, en particulier en milieu rural. C’est pourquoi nous sommes en train d’élaborer des projets spécifiques à leur intention afin de renforcer leurs capacités dans tous les domaines de la vie.

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