L’équation Idrissa Seck

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Idrissa Seck serait-il l’autre vainqueur de l’élection présidentielle ? Pour son premier coup d’essai, l’ancien Premier ministre, ex-homme de confiance du chef de l’État, a en tout cas réussi une performance inédite dans l’histoire politique du Sénégal : surclasser toute l’opposition dans laquelle il venait d’arriver.
Son score, même en deçà de ce qu’il espérait, prend une signification toute particulière au regard de ceux réalisés par les caciques de l’opposition. Seck devance Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, héritiers du parti de Léopold Sédar Senghor et d’Abdou Diouf, mais également Landing Savané et Abdoulaye Bathily, figures historiques de la gauche, qui occupent la scène politique sénégalaise depuis plusieurs décennies. Celui qui fut le directeur de campagne de Wade en 1988 et l’inventeur de la « Marche bleue » qui mena son ex-mentor au palais en 2000 s’est pourtant lancé dans la course présidentielle avec de lourds handicaps.
Seck manquait de tout, y compris d’appareil politique. L’État a refusé de reconnaître son parti Rewmi et de lui délivrer un passeport. Alors que Wade, Niasse et Tanor, ses plus sérieux adversaires, sillonnaient le monde à la recherche de soutiens et de financements, il ne pouvait se déplacer en dehors des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Faute de moyens suffisants, sa « caravane orange » n’a pas pu se rendre dans toutes les localités du pays.
Aujourd’hui, Seck est devenu le chef de file tout désigné de l’opposition. Et prend ainsi une sérieuse option pour succéder à Wade en 2012. « Avec la présidentielle, je connaîtrai mon poids électoral, nous confiait-il au tout début de la campagne. Si je remporte moins de 5 % des voix, je considérerai que je n’ai pas l’envergure d’un dirigeant national et que la politique n’est pas ma voie. J’en tirerai toutes les conséquences et retournerai à mon métier d’auditeur. Si je réalise un score honorable, je prendrai date et attendrai. Après tout, je n’ai que 47 ans, un peu jeune pour être chef d’État en Afrique. »
Idrissa Seck ne s’est en réalité jamais préparé à l’échéance présidentielle de 2007. De l’accession de sa famille politique au pouvoir, en mars 2000, jusqu’à son éviction du gouvernement, en avril 2004, cet homme méthodique, qui planifie les moindres détails de sa vie, se voyait accompagner Wade jusqu’en 2012 avant de prendre le relais. Mais son inculpation pour malversations financières, qui lui valut sept mois d’emprisonnement entre juillet 2005 et février 2006, est venue bouleverser son agenda. Sorti affecté de cette épreuve, exclu du parti au pouvoir, il a fait acte de candidature avant tout pour défier son ancienne famille politique.
Une décision qui lui a valu quelques mésaventures : en novembre 2006, Ibrahim Touré, alias Ito, le comptable et gestionnaire de ses sociétés, est arrêté et inculpé pour complicité de blanchiment d’argent avant d’être finalement relâché. Mais l’ancien Premier ministre fait face à l’adversité avec sérénité. Alors que l’un de ses lieutenants lui révèle, début novembre 2006, l’existence d’un complot visant à l’assassiner, Idrissa Seck répond avec son sens habituel de la formule : « Ce serait une belle sortie. Après tout, ce que j’ai fait sur terre n’est pas déshonorant. Et puis, j’ai déjà vécu quatorze ans de plus qu’Alexandre le Grand et Jésus-Christ. »
Désormais, Seck a pour objectif de structurer les différentes forces qui ont soutenu sa candidature en un parti moderne, de consolider et d’élargir son assise politique.
Reste à savoir s’il se positionnera en véritable chef de file de l’opposition. Ou s’il cherchera un accord politique avec le parti au pouvoir avec qui il revendique le même héritage libéral. Pour l’heure, il garde les yeux rivés sur les élections législatives de juin prochain. Et devra, vraisemblablement, affronter cette échéance au sein d’une coalition de partis d’opposition. En tant que leader cette fois-ci.

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