Les outsiders sur le même front

À moins de deux mois de la présidentielle, plusieurs partis d’opposition se sont coalisés pour peser sur le scrutin. Avec des chances de succès ?

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 5 minutes.

Les alliés du président sortant contre les membres des partis d’opposition. L’élection présidentielle prévue pour le 29 avril prend des allures de duel. Le 25 février, quatorze partis politiques et deux associations ont officiellement donné naissance au Front pour la démocratie et la République (FDR). En gestation depuis un an, cette coalition électorale regroupant entre autres le Rassemblement pour le Mali (RPM) d’Ibrahim Boubakar Keïta (IBK), l’actuel président de l’Assemblée nationale et premier candidat déclaré à la magistrature suprême, le Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères d’Alpha Oumar Konaré, l’association Convergence 2007 de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien ministre des Forces armées, et la Convention démocratique et sociale (CDS) de Blaise Sangaré, constitue la principale force d’opposition au camp présidentiel. Bien qu’il ne se soit toujours pas officiellement porté candidat, le chef de l’État Amadou Toumani Touré (ATT) bénéficie du soutien de quatorze partis regroupés, eux aussi, au sein d’une coalition, l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), dont l’un des piliers est l’Alliance pour la démocratie malienne (Adema), au pouvoir sous Konaré.
La signature du protocole d’accord du FDR suscite en tout cas bien des espoirs dans les rangs de l’opposition. En unissant leurs efforts, « leurs valeurs et leurs idéaux », les « frontistes » espèrent imposer une alternance au pouvoir. Pour ce faire, ils se sont engagés à voter impérativement, en cas de second tour, pour le candidat du FDR opposé à un adversaire non-membre. Mais la coalition, soucieuse de garantir « la pluralité » et « la pratique démocratique » dans le pays, laissera chaque formation politique présenter son candidat dès le premier tour. Toutefois, seuls deux signataires du FDR se sont officiellement déclarés candidats.
Après IBK le 28 janvier, c’est Tiébilé Dramé qui a été intronisé, le 18 février, par son parti, créé au lendemain du coup d’État du 26 mars 1991. Quelques jours avant son investiture, l’ex-chef de la diplomatie s’est montré plus qu’optimiste. Celui qui, jadis, a soutenu le président sortant entend bien faire un bon score grâce à un programme « forcément différent de ceux des autres concurrents. Nous avons des préoccupations communes comme l’école, la santé, le développement durable, assure-t-il. Mais nous serons les seuls à avoir des revendications identitaires et culturelles. Nous nous engageons à réviser la Constitution pour que les langues nationales soient consacrées comme langues officielles. »
Sur la crise touarègue, les avis divergent également au sein du FDR. Alors que Boubèye Maïga et IBK se sont tous deux opposés aux accords d’Alger signés entre le gouvernement et les rebelles touaregs qui avaient attaqué le 23 mai 2006 des unités de l’armée malienne à Kidal et à Menaka, dans le nord du pays, la position de Tiébilé Dramé rejoint davantage celle du chef de l’État. Sur d’autres dossiers toutefois, il n’hésite pas à fustiger le pouvoir en place. Le leader du Parena n’a pas de mots assez durs pour dénoncer « la marginalisation de la classe politique et l’utilisation abusive de la télévision nationale, transformée en outil de propagande au profit du candidat ATT ». Lors de son investiture, Dramé a même exhorté le chef de l’État à ne pas se représenter. Un revirement pour le moins radical. Principal soutien du président pour la conquête du pouvoir en 2002, l’ex-chef de la diplomatie a été ainsi associé à la mise en place de réformes importantes telle que la loi d’orientation agricole. Et son ralliement au club des « Tout sauf ATT » est loin de laisser la classe politique malienne indifférente.
Pour nombre de ses détracteurs, Dramé aurait décidé de se lancer dans la course à Koulouba à la suite de l’audit de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (Casca) concernant sa gestion en qualité de président du comité d’organisation du sommet Afrique-France tenu à Bamako, en décembre 2005. Deux rapports en sont sortis en mars 2006. Le premier, qui révèle de petites anomalies, est plutôt favorable à Dramé. Le second, dont il apprend l’existence par hasard, qui se veut plus sévère, est aujourd’hui entre les mains de la justice. Mais l’un des quatre inspecteurs signataires du document parle de faux, se désolidarise de ses collègues et indique qu’il ne comprend pas comment sa signature a pu y figurer. N’empêche, selon Choguel Maïga, chef de file du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), ministre de l’Industrie et du Commerce, « le changement d’attitude du chef du Parena ne peut s’expliquer que par le fait qu’il est soupçonné de corruption. Il y a un an à peine, en janvier 2006, il a participé à la réunion de partis politiques souhaitant constituer l’ADP. Non seulement Tiébilé Dramé a assisté à cette rencontre, mais c’est lui qui a rédigé les termes du protocole d’accord qui lie désormais quatorze partis plus ou moins importants sur l’échiquier politique. Il a commencé à se détourner de l’ADP lorsqu’il a été convoqué par un juge ». « Balivernes ! rétorque l’intéressé. Il s’agit d’une cabale montée de toutes pièces par certains membres de l’entourage présidentiel et la primature, sans doute jaloux du succès remporté par le comité d’organisation du sommet Afrique-France. Si mes adversaires politiques pensent qu’ils peuvent entamer ma détermination, ils se trompent. » De son côté, ATT est, semble-t-il, énormément déçu. Se refusant à tout commentaire sur les accusations qui pèsent sur son ancien compagnon de route, le chef de l’État regrette seulement que leurs « voies se soient séparées ».
En attendant le lancement de la campagne, le 8 avril, d’autres membres du FDR devraient annoncer leur candidature. Soumeylou Boubèye Maïga, exclu de l’Adema pour s’être opposé à la décision de soutenir l’éventuelle candidature d’ATT, envisage de transformer son association Convergence 2007 en parti politique avant de se lancer officiellement dans la course. Le chef de file de la CDS, Blaise Sangaré, devrait également confirmer sa candidature.
Pour sa part, le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), qui n’a rejoint aucune coalition, a investi, le 24 février, son secrétaire général Oumar Mariko. Fer de lance du mouvement de contestation étudiante qui avait contribué au renversement du régime de Moussa Traoré en 1991, le troisième candidat déclaré à la présidentielle n’a toujours pas dit s’il souhaitait rallier le FDR ou l’ADP. Peut-être préférera-t-il faire cavalier seul.

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