Identités caduques

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Jusque-là, on avait fort à faire avec les identités. Nourricières, réprimées, minoritaires ou meurtrières, elles ne cessaient de nous interroger. Heureusement, Nicolas Sarkozy nous a trouvé la solution. Ou la parade. On va pouvoir dissoudre les identités comme sucre dans l’eau. Laver notre passé pour qu’il n’en reste pas trace. Surtout en période électorale, saison idéale pour se défaire de ses ancêtres comme on se défait d’une vieille garde-robe, secouer son arbre généalogique jusqu’à la dernière branche. Bref, remettre l’horloge à l’heure zéro de l’Histoire.
Souvenez-vous, en effet, de l’émission télévisée du 5 février dernier où le candidat Nicolas Sarkozy faisait face à un auditoire qui, une heure durant, lui posa sagement des questions. Jusqu’au moment où il y eut un petit couac. Réagissant à certains propos du ministre de l’Intérieur sur l’islam, une jeune femme s’est dite « offensée comme algérienne ». Ce à quoi Sarko a répliqué d’un lapidaire : « Vous n’êtes pas plus algérienne que je ne suis hongrois ! »

Apparemment, Sarko ne l’entendait pas de cette oreille. Lui, il est français, un point c’est tout. Son ascendance hongroise, il ne veut point l’évoquer. Quelqu’un, ou quelque circonstance, a barré le mot « diversité » de son dictionnaire. Et l’idée de considérer comme « un plus » le fait que la France puise dans d’autres terroirs que les siens ne rentre pas dans ses calculs. Aux yeux du fils d’immigré qu’il est, l’immigration reste un mal. Et le lien avec un autre pays s’apparenterait à un handicap qui empêcherait de s’immerger dans la France profonde. Il y a de l’autodénigrement là-dedans. Moi, je serais hongroise, je me fâcherais. Je demanderais aux autorités de mon pays de refouler aux frontières cet homme s’il lui prenait l’idée de faire un tour du côté de Budapest.
Personnellement, j’ai envie de dire à Nicolas Sarkozy que le défi et la force de la France consistent, justement, à l’avoir porté lui, le fils d’immigré, au poste où il est et d’avoir nourri son ambition de devenir président ; que c’est là une des plus belles illustrations des valeurs de la Révolution française, cette perspective de confier la charge de la France à un non-Gaulois ; que le pays de Voltaire témoigne en la circonstance de ses grandes potentialités d’ouverture.

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Par conséquent, si j’étais Sarkozy, je me garderais de mettre un trait sur mes racines. Je clamerais : « Je suis d’origine hongroise, et, si les Français m’élisent, c’est tout à leur honneur. » En évoquant mon identité d’hier conjuguée à mon présent français, je lancerais l’idée d’une « diversité utile ». N’est-ce pas mieux que « rupture tranquille » ?
Un slogan que je me suis amusée d’ailleurs à tester sur mon mari. Je l’ai regardé dans les yeux, à l’heure du petit déjeuner, avant de laisser tomber : « Voilà, mon chéri. Nous allons rompre, mais tranquillement. Nous allons tout casser, mais sans dégât. » Il m’a jeté sa tartine à la figure.

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