En passant par le Sénégal
À partir de fin 2008, le constructeur automobile iranien produira 5 000 Samand par an à Thiès. Première phase d’une offensive internationale.
Décembre 2002. Lors d’un voyage officiel en Iran, le président Wade visite l’usine Iran Khodro, fierté de la nation. Ses dirigeants évoquent l’échec de leur projet d’implantation au Nigeria. Abdoulaye Wade saisit la balle au bond : et pourquoi pas le Sénégal ?
Novembre 2006, Thiès, à 100 km de Dakar. Macky Sall, Premier ministre du Sénégal, pose la première pierre d’une usine dont le nom dit combien elle est bénie par les deux pays : Seniran Son but : produire, à partir de fin 2008, 5 000 Samand par an.
L’objectif paraît élevé. Renault vend au Maroc, marché annuel de 80 000 voitures neuves, 15 000 Logan assemblées à Casablanca. Dès lors, comment Iran Khodro pourrait-il écouler 5 000 Samand par an sur un marché dix fois inférieur ? Mais comme la Logan, véhicule dont elle partage la philosophie et par ailleurs assemblé par Iran Khodro en Iran, la Samand répond à un besoin : une grande berline (4,50 m), une vraie malle, un prix largement au-dessous de 10 000 euros. Elle est bâtie sur une base technique de Peugeot 406, et le renom du constructeur français vaut toutes les garanties au Sénégal. Enfin, son sort ne laissera pas l’État sénégalais indifférent : 350 emplois sont en jeu, et il possède 20 % d’une usine dont Iran Khodro est l’actionnaire majoritaire avec 60 % des parts.
Selon une étude récente fort opportunément sortie, 10 000 des 14 000 taxis qui sillonnent Dakar accusent plus de quinze ans d’âge. Ce marché, la Somaca marocaine le convoitait avec la version 7 places de la Renault Kangoo. Subitement, la Samand de Thiès paraît aujourd’hui mieux placée
Mais de l’avis d’observateurs proches du dossier, l’intention première d’Iran Khodro n’est pas de gagner de l’argent au Sénégal. Juste de commencer à tisser sa toile, afin que l’Iran finisse par accéder à une vieille ambition : s’asseoir à la table des pays producteurs d’automobiles, synonyme pour lui de grands de ce monde. Car Iran Khodro, marque créée en 1962 puis nationalisée en 1979 après la Révolution, souffre d’un statut ambigu, presque d’un complexe. Elle est puissante par la taille : vingtième constructeur de la planète, avec une production d’un million de voitures, bus et camions. Mais ne vend quasiment qu’en Iran et, surtout, est moins constructeur qu’assembleur. Son métier consiste pour l’essentiel à monter des Renault ou Peugeot arrivées en Iran en pièces détachées. Son modèle le plus célèbre reste la Peikan, fabriquée jusqu’en 2005, qui était en vérité une Hillman Hunter née en 1966 !
Iran Khodro a toutefois acquis un savoir-faire, tissé un réseau d’équipementiers. Et rêve aujourd’hui d’un autre destin : s’émanciper, devenir vraiment constructeur, exportateur même avec la Samand. Dans ces conditions, le Sénégal n’est que la première phase de son offensive internationale. Car Iran Khodro a d’autres projets d’usine pour la Samand : en Chine, en Biélorussie, au Venezuela. Comme par hasard, trois pays qui ne comptent pas parmi les meilleurs amis des États-Unis !
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