De l’éden à l’enfer écologique

Avec ce thriller palpitant qui emprunte aux classiques de l’espionnage, le lauréat du Goncourt 2001 fait du bioterrorisme un thème littéraire.

Publié le 5 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Le dernier livre de Jean-Christophe Rufin est un thriller écologique passionnant. Paul et Kerry, deux anciens agents secrets américains travaillant pour une société privée, se lancent dans une enquête apparemment banale. Un laboratoire polonais a été vandalisé par un groupe de défense des animaux. Cette histoire va les plonger brutalement dans l’univers de l’écologie radicale, un courant relativement méconnu en France, où les écologistes sont « plutôt de braves gens qui ne rêvent que d’être ministre ». À travers le personnage de Juliette, jeune militante française et naïve, Rufin dresse le portrait du courant écologique humaniste, qui considère qu’il faut protéger la nature pour faire le bonheur de l’homme. Dans la peau de l’inquiétant Ted Harrow, qui va prendre Juliette sous sa coupe, on découvre la face obscure de l’engagement vert.
Ted Harrow prône en effet une écologie menée contre les hommes, l’être humain n’étant qu’une espèce parmi d’autres, qui s’est approprié tous les pouvoirs et tous les droits, et qu’il faut remettre à sa place Ceux qu’il faut éradiquer : les pauvres, accusés de détruire l’environnement. « La nature, ce n’est pas le respect de la vie. C’est l’uvre de la mort. Chacun tue et est tué. L’équilibre, c’est l’harmonie des prédateurs. Protéger la nature, c’est savoir qui il faut faire mourir », explique-t-il. Chantre du terrorisme écologique, ce personnage fait froid dans le dos et la postface de l’auteur n’a rien de rassurant. « Les événements qui constituent la trame de ce roman, s’ils ne sont pas véridiques, ne me paraissent pas non plus, hélas, invraisemblables. En tout cas, ils alertent sur un risque bien réel, que chaque grande conférence internationale consacrée à l’avenir de la planète fait resurgir : la mise en accusation des pauvres, considérés non comme un enjeu de justice et de solidarité mais comme une menace. »
Rufin met en garde : « Malthus n’est pas mort, lui qui voyait dans les disettes et les épidémies le mécanisme naturel qui régule la population et, en la réduisant, l’adapte aux ressources disponibles. » Le parfum d’Adam est un ouvrage redoutablement documenté et toutes les citations concernant l’écologie radicale sont exactes, tirées de textes et de discours précis. Les extrémistes verts, s’ils sont encore relativement peu actifs en Europe, sont pris très au sérieux de l’autre côté de l’Atlantique : « Le FBI a été jusqu’à considérer que l’écoterrorisme constituait la deuxième menace aux États-Unis, derrière le fondamentalisme islamiste », rappelle l’auteur. Outre la découverte de ce courant de pensée, le lecteur est emporté par une plume pleine de suspense dans un tour du monde haletant : désert du Colorado, Autriche, Cap-Vert, Afrique du Sud, France, Brésil, Suisse C’est un roman d’espionnage et d’aventure qui se dévore d’une traite.

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