Vingt candidats dans la mêlée

Publié le 5 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Employé d’hôtel à Nouakchott, Ibrahima ne sait pas pour quel candidat il va voter lors de la présidentielle du 11 mars. « Je ne suis pas décidé. Ce n’est pas clair, il y a beaucoup de cachotteries », commente-t-il, exhibant une carte d’électeur froissée. Mourid, un quadragénaire qui affirme vivre d’« affaires personnelles », n’est pas davantage fixé, n’étant pas sûr de « trouver un président qui pense vraiment à l’avenir de la Mauritanie ».
À moins de trois semaines du début officiel de la campagne, le 23 février, l’attentisme et la suspicion sont de mise. Pour la première fois depuis l’indépendance, les quelque 1 million d’électeurs mauritaniens ont le choix entre vingt candidats : de Mohamed Ould Maouloud à Ahmed Ould Daddah, en passant par Zeine Ould Zeidane, Mohamed Ould Haïdallah, Messaoud Ould Boulkheir, Sidi Ould Cheikh Abdellahi et bien d’autres Le bulletin de vote unique, qui doit comporter la photo de chacun d’entre eux, ne sera sans doute pas facile à déchiffrer !
Dans le petit périmètre du centre de Nouakchott, on s’affronte quotidiennement à coups de déclarations et de conférences de presse. La majorité des candidats n’ont pas la moindre chance de l’emporter. Leur seule ressource est de faire pencher la balance – le cas échéant, moyennant finances – en faveur de tel ou tel concurrent mieux placé. Quelques grandes figures émergent cependant de la mêlée.
Grâce à une rumeur persistante qui en fait le candidat d’une partie du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), Abdellahi figure parmi les favoris. Plusieurs fois ministre sous Ould Taya (il fut notamment chargé de la Pêche, l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mauritanienne), le « président », comme l’appellent ses collaborateurs, s’efforce d’incarner « le changement dans la sérénité ».
Il dispose d’une expérience du pouvoir que seuls peuvent lui disputer Ould Boulkheir, qui fut ministre sous Ould Taya, et Ould Haïdallah, chef de l’État de 1980 à 1984. L’un et l’autre sont populaires. Réputé pour son charisme, le premier est le candidat naturel de nombre de Haratines, ces Maures noirs descendant d’esclaves. Lors de la présidentielle de 2003, le second a recueilli 16 % des suffrages. Mais leur assise ne peut se comparer à celle d’Abdellahi, soutenu par le Mithaq (« pacte », en hassaniya), une coalition hétéroclite qui regroupe divers caciques du Parti républicain pour la démocratie et le renouveau démocratique (PRDR), l’héritier du parti-État, et dispose d’un semblant de majorité à l’Assemblée.
Aux antipodes, le jeune Zeine Ould Zeidane annonce une « nouvelle manière de faire de la politique » et se veut le porteur d’une « culture du résultat ». Isolé depuis le ralliement à Abdellahi de certains de ses supporteurs du PRDR, l’ancien gouverneur de la Banque centrale – certains voient en lui l’artisan du redressement monétaire, d’autres jugent son action inefficace -, peut toutefois compter sur l’important réservoir de voix du grand Est, dont il est originaire.
S’affichant comme « l’homme du centre », ce brillant technocrate compte naviguer entre le Mithaq et la Coalition des forces pour le changement démocratique (CFCD), dont Ahmed Ould Daddah est la figure de proue. S’il n’est pas le candidat officiel de la coalition, ce dernier bénéficie d’une légitimité acquise en plus de vingt ans d’opposition inflexible à Ould Taya et de l’ancienneté du parti qu’il dirige, le Rassemblement pour les forces démocratiques (RFD). A priori, il apparaît comme le plus redoutable adversaire d’Abdellahi.
Inclassable, Mohamed Ould Maouloud, le président de l’Union des forces de progrès (UFP), a créé la surprise en annonçant sa candidature. Jamais, au cours de sa longue carrière, ce militant de gauche de la première heure ne s’était présenté à un scrutin présidentiel. Le score de l’UFP aux législatives de l’an dernier (9 députés) et le caractère démocratique de la transition l’ont fait changer d’avis au point de le convaincre de créer la CFCD. « Malgré lui », jugent certains. Mais le candidat revendique haut et fort son appartenance à la coalition. Décidément, les électeurs indécis ne sont pas au bout de leurs peines.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires