Un Babel… oued littéraire

Pour son édition 2007, la manifestation organisée par l’association Coup de soleil met en vedette les écrivains et les éditeurs algériens, arabophones ou francophones. Visite en avant-première.

Publié le 5 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Comme chaque année, le Maghreb des livres réchauffera l’hiver parisien en mettant en lumière les littératures du soleil. Une occasion de (re)découvrir la richesse des écritures maghrébines. Lors de cette édition, l’Algérie sera à l’honneur avec vingt écrivains et vingt éditeurs invités. Des auteurs de langue française comme de langue arabe viendront partager leurs écrits avec le public. Actuellement, on observe dans trois pays maghrébins – Maroc, Algérie et Tunisie la coexistence riche et pacifiée de deux langues en littérature. Et tandis que les ouvrages francophones ont une large audience en France, les arabophones, pour la plupart édités à Beyrouth, sont largement diffusés dans le monde arabe.
« En Algérie, il y a une nouvelle génération d’auteurs qui ne se justifient plus d’utiliser le français ; l’essor de la littérature arabophone se poursuit en parallèle », note un journaliste à Alger. « Les jeunes auteurs ont grandi avec l’arabe dialectal et le kabyle, ils ont appris l’arabe moderne et le français Il est naturel qu’ils choisissent la langue dans laquelle ils se sentent le plus à l’aise pour écrire. Le fait d’être déchiré entre plusieurs cultures, le complexe du colonisé et la polémique entre langue dominée et langue dominante tout ça est dépassé ! » assure-t-il. Ainsi, les maisons d’édition se sont mises à publier aussi bien en français qu’en arabe, au gré de leurs coups de cur, à l’instar de la maison Barzakh, à Alger.
Même son de cloche au Maroc. « Le rapport à la langue française a beaucoup changé. La génération qui écrit aujourd’hui n’a pas connu la colonisation. L’usage de la langue française est, chez elle, moins traumatisant puisque déchargé de sa tension colonialiste », explique Abdelhaq Anoun, chercheur et enseignant à la faculté des lettres de l’université Chouaïb Doukkali d’El Jadida. « La bi-langue chez l’écrivain marocain est une expérience passionnelle. Elle a été douloureuse dans le passé, elle devient source de richesse à l’ère de l’interculturel. » Ainsi, de nombreux auteurs maghrébins pourraient reprendre à leur compte une phrase du poète tunisien Tahar Bekri, qui, pour exprimer son bilinguisme, dit : « J’habite une maison à deux fenêtres. »
Le Tunisien Jelloul Azzouna, bien que francisant, a choisi l’arabe pour s’exprimer. « J’écris essentiellement en arabe par conviction profonde que cette langue a, aujourd’hui plus qu’hier, besoin d’évoluer et de s’ouvrir aux cultures universelles. Si j’aime la langue française, j’aime davantage ma langue maternelle, avec laquelle je saisis mieux les nuances des choses et de la vie. Je me suis rendu compte que, pour aller au plus profond de l’être, rien ne pouvait remplacer les mots appris dès la plus tendre enfance, des mots de l’arabe classique et surtout des mots de l’arabe dialectal, issus du terroir. Les tournures de la phrase arabe, sa musicalité et même la rudesse de certaines de ses consonnes me font vibrer de façon très intime », indique-t-il sur le site Babelmed.net.
À l’inverse, le Marocain Tahar Ben Jelloun explique sur son blog : « Je n’écris pas en arabe par respect pour cette belle langue et parce que je ne me sens pas capable de donner tout ce que j’ai en moi en arabe. » En écrivant en français, « à aucun moment je n’ai eu le sentiment que je m’égarais, que je trahissais ma patrie, ma culture d’origine, assure-t-il. Au contraire, je me suis senti fier car jamais je n’ai douté de mon arabité, de ma marocanité. Et Ben Jelloun de rappeler : « La liste des écrivains qui sont nés dans une langue et qui ont choisi d’écrire dans une autre est longue. » Il en est ainsi de Kebir M. Ammi, dont Le Ciel sans détours paraît ce mois-ci (éd. Gallimard). Né au Maroc d’une mère marocaine et d’un père algérien, il a été professeur d’anglais et écrit en français. « Pour un écrivain, les mots n’ont ni nationalité ni origine. Un écrivain maghrébin est quelqu’un qui récuse toutes les étiquettes et pour qui la seule équation acceptable serait écrivain maghrébin = écrivain tout court ! »

Le Maghreb des livres, Pleins feux sur l’Algérie, les 10 et 11 février à la mairie du 13e arrondissement, place d’Italie, Paris. Renseignements : Tél. : (00 33) 1 45085938
http://www.coupdesoleil.net

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