Noir miroir africain

Boubacar Boris Diop s’interroge sur l’identité négro-africaine et dénonce le néocolonialisme.

Publié le 5 février 2007 Lecture : 2 minutes.

L’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop n’est pas un nouveau venu sur la scène littéraire. Il a fait paraître sa première uvre de fiction, Le Temps de Tamango, en 1981*. Construits pour la plupart d’entre eux à la façon des thrillers, ses romans se distinguent par leur architecture subtile et leur écriture soignée. Mais ils laissent aussi entrevoir une réflexion structurée sur l’Afrique contemporaine. Kaveena, sorti l’an dernier (éd. Philippe Rey), met ainsi en scène deux personnages troubles, un Noir et un Blanc, qui, hier alliés en affaires, se livrent une lutte à mort pour le pouvoir. La collusion entre les dirigeants africains et les anciennes puissances coloniales se lit facilement entre les lignes.
Cette dénonciation du néocolonialisme est l’un des fils conducteurs du dernier ouvrage de Boubacar Boris Diop. Celui-ci est constitué de textes publiés dans des revues ou des journaux (Le Monde diplomatique, la Neue Zürcher Zeitung, etc.) ou rédigés à la demande d’institutions universitaires. Ils ont été parfois remaniés ou actualisés pour la circonstance. On ne s’étonnera pas de la place accordée au Rwanda dans le livre. En 1998, l’auteur a découvert ce pays dans le cadre d’une résidence d’écriture organisée par Fest’Africa. Il en a tiré un excellent roman, Murambi, le livre des ossements (Stock, 2000). Ce séjour, qui l’a marqué profondément, lui a inspiré plusieurs interrogations. Sur les sommets de cruauté auxquels peut aboutir la folie des hommes. Sur l’indifférence qui a entouré un drame d’une telle ampleur. Mais surtout sur la responsabilité des puissances extérieures dans ce dernier. « L’implication de l’État français m’a fait sentir à quel point il est dangereux d’être un petit pays dominé, écrit-il. Cela m’a amené à m’intéresser de plus en plus aux dérives criminelles de la Françafrique. »
Pour Boubacar Boris Diop, il est d’autant plus nécessaire pour les intellectuels africains de placer la tragédie rwandaise au cur de leur réflexion que son traitement par les médias étrangers vise à faire accréditer l’idée d’une violence fratricide inhérente aux Africains. Outre des hommages à Mongo Beti et à Cheikh Anta Diop, le recueil tourne pour l’essentiel autour du thème de l’identité négro-africaine. Pour l’auteur, celle-ci se définit avant tout en creux par opposition à l’ancienne puissance colonisatrice. Ainsi a-t-il choisi d’écrire l’un de ses précédents romans, Doomi golo (Papyrus, 2003), en wolof, sa langue maternelle, après avoir pris conscience, nous dit-il, que la tragédie rwandaise résultait « en grande partie de la volonté du gouvernement français de préserver ses zones d’influence en Afrique noire ».
On peut être agacé par cette obsession de l’écrivain sénégalais qui consiste à voir la main de Paris derrière toutes les turpitudes de l’Afrique. Cela n’empêche pas de lui reconnaître le mérite de prendre courageusement la parole pour dire sa part de vérité. Et l’on ne peut que saluer un talent d’écriture qui franchit allègrement les barrières des genres littéraires.

* Réédité par Le Serpent à plumes en 2002.

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