« La France nous a déclaré la guerre »

Convaincu que Paris cherche à l’évincer du pouvoir, le président rwandais rend coup pour coup. Quitte à souffler sur les braises.

Publié le 5 février 2007 Lecture : 16 minutes.

Il décortique la Harvard Business Review, s’informe via CNN et la BBC, envoie ses ministres suivre des séminaires de management et de leadership et compte transformer, d’ici à 2020, son pays en un Singapour africain avec main-d’uvre ultraqualifiée, accès à l’Internet dans le moindre village et production en chaîne de biens à haute valeur ajoutée. Un rêve de Silicon Valley des Grands Lacs au service duquel Paul Kagamé, 49 ans, a mis toute sa science – et toute sa férule – de militaire spécialiste du renseignement fasciné par le modèle asiatique de développement. Cet ancien chef de la sécurité en Ouganda, revenu en 1994 dans son Rwanda natal sur les cendres du génocide, gère ses neuf millions de compatriotes à la manière d’un maître d’école d’antan et d’un patron d’entreprise paternaliste. Discipline, méthode, volontarisme : à l’image de Kigali, l’une des capitales les plus propres et les plus sûres du continent, balayée de fond en comble un samedi par mois par l’ensemble de ses habitants réquisitionnés pour l’occasion, le Rwanda ressemble à une ruche (322 habitants au km²) industrieuse et ordonnée dont la reine aurait le visage ascétique d’un homme carburant au thé au lait et à l’eau minérale. Excellent VRP de son propre pays, Paul Kagamé a obtenu des principaux bailleurs de fonds bilatéraux du Rwanda (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique) qu’ils financent la moitié de son budget annuel pratiquement les yeux fermés. Une aide vitale pour un pays pauvre et enclavé dont le déficit énergétique abyssal ne commencera d’être comblé que lorsque les fabuleuses réserves de gaz méthane du lac Kivu entreront en exploitation – pas avant 2010.
Quand on dépend aussi lourdement de l’extérieur, le label et l’image de marque sont essentiels. Qu’une ONG remette en cause le diplôme de bonne gouvernance décerné au Rwanda et c’est tout le gouvernement qui monte au créneau. Qu’une autre se demande si le niveau de contrôle exercé sur la population, afin d’éviter le retour des conditions qui ont présidé au génocide, n’est pas excessif treize ans après le drame, et la voici accusée ipso facto de révisionnisme. C’est dire, donc, si la posture quasi martiale adoptée face à la France – avec laquelle le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques le 24 novembre dernier – était inévitable. Soupçonné par le juge Jean-Louis Bruguière d’avoir cyniquement programmé et suscité l’extermination de ses frères tutsis ; visé, dans son propre entourage, par des mandats d’arrêt internationaux, Paul Kagamé se considère en guerre contre Paris, comme il le fut dans les années 1990 lorsque l’armée française soutenait le régime aux abois de Juvénal Habyarimana. Même si le montage juridico-politique du juge n’a été pris au sérieux nulle part ailleurs qu’en France – et même si, de crise en crise, les relations entre les deux pays étaient devenues insignifiantes en termes économique et diplomatique -, la gravité des accusations qu’il formule contre un chef d’État en exercice est pratiquement inédite dans l’histoire des relations internationales. Kagamé s’en explique ici, à l’occasion d’une longue interview recueillie le 26 janvier dans l’un des bureaux de la présidence, à Kigali.

Jeune Afrique : Deux mois après la rupture des relations entre votre pays et la France, y a-t-il du nouveau ?
Paul Kagamé : Pas vraiment. Rien ne bouge. Et puis, je vais vous faire une confidence : toute cette affaire commence à me lasser un peu. Les relations avec la France ne sont pas ce qu’il y a de plus important pour le Rwanda.
Avez-vous hésité avant de prendre une décision aussi lourde ?
Très peu. La nature même de l’agression à notre encontre était telle que nous ne pouvions plus faire comme si tout était normal. C’était la seule réponse logique à une déclaration de guerre.
Il ne vous a pas effleuré que l’enquête menée par le juge Jean-Louis Bruguière puisse relever de la sphère strictement judiciaire et n’implique pas le gouvernement français ?
Écoutez. Bruguière est un agent. Ce n’est pas un juge, mais un agent au service de forces occultes tapies au sein de l’exécutif, des milieux militaires et du renseignement français. Cela ne fait aucun doute. Regardez le dossier, les mandats d’arrêt, le choix délibéré d’écarter toutes les pistes d’enquête les plus évidentes et de privilégier la seule qui soit aberrante, étudiez le pedigree des témoins à charge et vous comprendrez le degré de malhonnêteté de toute cette affaire. Dans un but précis : absoudre la France de toute responsabilité dans le génocide.
À la mi-janvier, trois généraux et un colonel français* ont témoigné auprès du Tribunal pénal international d’Arusha en faveur des colonels rwandais Bagosora et Kabiligi. Votre commentaire ?
Bagosora fut l’architecte du génocide de 1994, et Kabiligi était son bras droit. C’est un peu comme si des officiers supérieurs français étaient venus à Nuremberg plaider en faveur du maréchal Goering. Ils se sont en quelque sorte auto-inculpés.
Qu’exigez-vous de la part de l’État français ? Des excuses publiques, comme le firent Kofi Annan, Bill Clinton ou Guy Verhofstadt ?
La France doit faire son examen de conscience et poser un acte qui soit en rapport avec les responsabilités qui furent les siennes pendant le génocide. Le minimum serait qu’elle reconnaisse ses erreurs. Mais faire comme si rien ne s’était passé et qu’elle n’avait rien à se reprocher, voilà ce qui est inadmissible. En réalité, tout cela est une affaire de courage politique.
Ne pensez-vous pas que c’est justement le degré d’implication militaire et diplomatique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 qui rend très difficiles des excuses officielles ? Quarante-cinq ans après la fin de la guerre d’Algérie, il n’est toujours pas question de repentance.
Sans doute avez-vous raison. Mais ce n’est pas à nous de faire les frais de cette thérapie impossible.
Manifestement, la reprise du dialogue n’est pas pour demain
Encore une fois, c’est à la France de se décider. Un drame épouvantable a eu lieu ici il y a treize ans, dans lequel chacun – Rwanda, Belgique, États-Unis, ONU – a admis sa part de responsabilité. Seule la France s’y refuse. Jusqu’à quand ?
Vous avez publiquement envisagé de lancer des mandats d’arrêt internationaux contre un certain nombre de responsables politiques français de l’époque, notamment l’actuel Premier ministre Dominique de Villepin. Pourquoi cette escalade ?
Escalade ? Je dirais plutôt réciprocité. Je ne vois pas pourquoi des juges africains seraient interdits d’utiliser une procédure dont usent et abusent leurs collègues européens.
Certains pensent, dans votre entourage, que la France va désormais tenter de vous déstabiliser par tous les moyens. Est-ce aussi votre opinion ?
Les autorités françaises ont déjà utilisé tous les moyens au Rwanda par le passé. Rien n’est donc à exclure. Nous le savons, et nous nous préparons en conséquence.
Comment ont réagi vos principaux partenaires étrangers – États-Unis, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne – à l’annonce de votre divorce avec Paris ?
Je l’ignore. Ils ne nous en ont pas parlé, et nous ne les avons pas informés. C’est une affaire de souveraineté, strictement bilatérale.
Il y a quelques jours, le ministère français de la Défense a fait connaître son « indignation » à propos des travaux de votre Commission d’enquête sur le génocide. Il faut dire que l’intitulé même de cette Commission peut paraître pour le moins partial : « Commission nationale chargée de rassembler les preuves de l’implication de l’État français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994 ». À l’évidence, l’accusé est présumé coupable.
Il s’agit d’une Commission indépendante, dont le but est d’enquêter sur le rôle de la France au Rwanda pendant les années de plomb. Elle a déjà auditionné de nombreux témoins et victimes de cette époque. Contrairement au juge Bruguière, qui a enquêté, jugé et condamné sans même daigner mettre les pieds au Rwanda, il est prévu que ses membres se déplacent en France pour y rencontrer les principaux acteurs de cette période. Des démarches ont été entreprises en ce sens auprès de l’ambassade de Belgique à Kigali, qui représente les intérêts de la France. Si, à l’issue de ces travaux, il apparaît par extraordinaire que l’État français est innocent et a agi de bonne foi, la Commission le dira. Mais permettez-moi, à titre personnel, d’en douter.
Tout de même. Le tribunal français aux armées a déclaré recevable la plainte émise par quatre citoyens rwandais contre le contingent Turquoise. Tout récemment, Agathe Habyarimana, la veuve de l’ancien chef de l’État Juvénal Habyarimana, s’est vu refuser en première instance le statut de réfugiée politique en France. Ne sont-ce pas là des gestes de bonne volonté à vos yeux ?
Bravo. Mais nous attendons beaucoup plus que de simples gestes sans suite. Nous savons, nous, ce qu’a été la responsabilité de cette femme dans le génocide, notamment les ordres criminels qu’elle a donnés juste après la mort de son mari. Si les Français ne souhaitent pas nous la livrer, qu’ils la jugent eux-mêmes. Nous avons ici un dossier accablant à leur disposition. Agathe Habyarimana n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas. Beaucoup d’autres génocidaires coulent des jours paisibles en France. Pourquoi Bruguière ne s’occupe-t-il pas d’eux ?
La France va bientôt changer de président
Je l’espère, mais en êtes-vous si sûr ?
C’est plus que probable. Pensez-vous qu’avec une nouvelle génération au pouvoir à Paris les choses vont changer en ce qui concerne le Rwanda ?
Je le souhaite. J’aimerais qu’un changement de personne entraîne un changement de politique. Mais je préfère être prudent : de François Mitterrand à Jacques Chirac, l’approche hostile est restée la même. Alors, wait and see
Faites-vous une différence entre le peuple français et ses dirigeants ?
Bien évidemment. Loin de nous l’idée de tout confondre dans les mêmes reproches. Nous ne ferons jamais cette erreur.
Le président ivoirien Laurent Gbagbo, dont on connaît les problèmes avec la France, s’est beaucoup rapproché de vous ces derniers mois. Le Rwanda deviendrait-il un modèle, une sorte de référence pour tous ceux qui critiquent la politique française en Afrique ?
Ce n’est pas notre objectif. Nous agissons en fonction de nos propres intérêts et de nos propres motivations. Le président Gbagbo est venu à Kigali comme il est allé dans bien d’autres pays.
Pourtant, les médias proches de la présidence à Abidjan ont applaudi à votre décision de rompre les relations avec la France. Et il se murmure à Paris que vous auriez proposé à Gbagbo de l’aider dans le domaine de la sécurité
N’importe quoi. Pure imagination.
Ce que l’on entend aussi parfois, c’est que cette crise avec la France vous est utile.
Mais encore ?
Que vous l’entretenez, pour des raisons de politique intérieure, afin de resserrer les rangs autour de vous.
Je connais cet argument, stupide bien sûr, mais intéressant, car il se retourne comme un boomerang contre ceux qui, dans certains milieux français, le propagent volontiers. Même en imaginant qu’il soit fondé, cela démontrerait en effet que l’implication et la responsabilité de la France au Rwanda ont été profondes et terribles. Si je créais et que j’alimentais une crise avec, disons, la Thaïlande, l’Australie ou le Japon et que mon but était de m’en servir en politique intérieure, je perdrais à tous les coups. L’effet serait nul. En revanche, avec la France, je gagne manifestement le gros lot ! C’est dire si le ressentiment à l’encontre de la politique menée par ce pays est vif au sein du peuple rwandais. CQFD.
Votre différend avec la France ne risque-t-il pas d’ancrer le Rwanda encore plus solidement dans le camp anglophone ?
Nous ne confondons pas France et Francophonie, France et espace francophone. Nous sommes membre de l’Organisation internationale de la Francophonie et nous entendons le rester. Depuis 1997, nous sollicitons parallèlement notre adhésion au Commonwealth. Ces deux démarches ne sont pas antagonistes. La crise actuelle ne remet aucunement en cause l’un de nos objectifs majeurs qui est de faire du Rwanda une sorte de hub bilingue reliant l’Afrique centrale francophone à l’Afrique de l’Est anglophone.
Avant la crise, vous vous promettiez d’apprendre la langue française, tout en regrettant de ne guère en avoir le loisir. J’imagine que, cette fois, c’est compromis
Honnêtement, cela m’est encore plus difficile.
Question de motivation ?
Oui. Entre autres.
Vos pairs africains vous soutiennent-ils dans ce bras de fer avec Paris ?
Ils ne m’ont rien dit de tel, nous ne leur avons d’ailleurs rien demandé, mais je sais que la plupart n’en pensent pas moins. Pour une bonne raison : au-delà de la France, c’est contre un certain type de mépris que nous nous dressons. En fonction de quels critères, de quelle éthique, de quelle morale, dont ils seraient les gardiens, ceux qui nous accusent prétendent-ils vouloir nous juger ? Qui sont-ils, quel est leur propre bilan en matière de respect du droit des peuples ? Pourquoi cette volonté permanente d’humilier nos leaders alors qu’eux baignent dans l’impunité ? À leurs yeux, les Africains ne sont que de la volaille de basse-cour. Des poulets à rôtir.
La Cour suprême du Rwanda a décidé l’an dernier de confirmer les quinze années de prison ferme infligées à votre prédécesseur, l’ex-président Pasteur Bizimungu. Une grâce de votre part est-elle envisageable ?
Cela fait la énième fois que vous me parlez de ce cas. Je vous le répète : nul n’est au-dessus de la loi, Bizimungu a été jugé en fonction de ce que la justice lui a reproché et non par moi ou par rapport à moi. Tout est clair et transparent dans cette affaire. Une grâce présidentielle ? Je vous répondrai deux choses. La première est que je ne prendrai pas ce type de décision parce qu’un journaliste ou une ONG l’exigent. La seconde est que vous êtes en train de faire une démarche en faveur de quelqu’un dont rien ne prouve qu’il soit demandeur. Êtes-vous porteur d’un message de sa part en ce sens ? Non. Moi-même, je n’ai été saisi d’aucune requête en ce qui le concerne.
Depuis 2003, cinquante à soixante mille Rwandais, détenus pour avoir participé au génocide, ont été remis en liberté. Près de dix mille autres vont l’être courant février. Que faites-vous pour protéger les témoins des tribunaux gacaca qui, à raison, craignent d’être les victimes de représailles de la part de ces ex-prisonniers ?
Le maximum. C’est un problème complexe que nous connaissons bien. Nous faisons tout ce qui est humainement possible pour éviter les meurtres de gens qui ont eu le courage de venir témoigner, mais notre vigilance peut parfois être prise en défaut. Il peut y avoir des assassinats, c’est vrai, comme il s’en produit chaque jour dans les rues de New York. Mais de là à faire croire, comme le dit un récent rapport de Human Rights Watch, que nous ignorons ces drames, c’est tout simplement faux. Qui plus que nous est concerné ?
Le classement 2006 établi par Transparency International sur le degré de corruption dans les pays du monde est mauvais pour le Rwanda. Vous avez chuté de la 83e à la 121e place ! Pour un État qui a fait de l’objectif zéro corruption un élément important de son image de marque, c’est même inquiétant. Que s’est-il passé ?
Demandez-le à Transparency. Je ne suis absolument pas d’accord avec ce classement. J’ai la certitude que, dans le domaine de la lutte anticorruption, nous avons fait encore mieux en 2006 qu’en 2005 et non l’inverse. Et j’ai la conviction que cette ONG est, en ce qui nous concerne, sous l’influence de milieux qui nous sont hostiles. Certes, il s’agit d’un indice de perception de la corruption. Mais, en définitive, le classement est établi par ceux qui le rédigent. Demandez-leur donc d’argumenter et d’expliquer leur notation du Rwanda, je suis extrêmement curieux de savoir tout cela. Chez nous, toute dépense publique est strictement contrôlée, encadrée, et les contrevenants risquent très gros. Tous les budgets sont régulièrement audités, et les responsables sont tenus de suivre des séminaires réguliers sur les thèmes de la bonne gouvernance et de l’utilisation des fonds et dotations de l’État. Franchement, Transparency s’est ridiculisée et discréditée dans cette histoire.
Qui, selon vous, aurait influencé cette ONG ?
Je l’ignore avec précision. Mais il y a des gens qui font de l’antirwandisme une spécialité. Prenez le cas typique de cet universitaire belge, dont je ne vous citerai pas le nom mais qui se reconnaîtra. Il a travaillé autrefois au Rwanda et nous poursuit aujourd’hui de sa vindicte, il est exemplaire. Ce monsieur qui, contrairement à son devoir de réserve, se mêlait ouvertement de politique chez nous, a fini par y être déclaré persona non grata : interdit de visa. Il ne l’a pas supporté longtemps. En septembre ou octobre 2006, il a approché certains de nos représentants à Bruxelles. Il voulait faire la paix, travailler avec nous et revenir au Rwanda. Nous avons refusé. Depuis, il semble avoir juré de tout faire pour nous salir. Ce type répand son venin des couloirs de la Banque mondiale aux bureaux de Transparency, en passant par les cabinets des agences spécialisées dans le calcul des risques-pays. Ce genre d’activisme produit toujours des effets gênants. Fort heureusement, ils ne durent pas longtemps.
Vous avez été élu pour sept ans en août 2003 et vous aurez le droit de solliciter un deuxième et dernier mandat. Êtes-vous sûr que vous ne serez pas alors tenté de modifier les textes pour prolonger indéfiniment votre bail ?
Je ne le ferai pas, pour une raison simple : à titre personnel, je trouve que je suis déjà à ce poste depuis trop longtemps.
Que pensez-vous de ceux de vos pairs qui changent les Constitutions dans le but de demeurer au pouvoir ?
Rien. C’est leur problème et celui de leurs peuples.
Comment concilier vos ambitions pour le Rwanda avec la densité de population la plus élevée d’Afrique et un taux de croissance économique nettement inférieur aux 7 % annuels requis ?
Notre taux de croissance a été en 2006 de 6,6 %, ce qui est insuffisant. Quant au taux d’accroissement de notre population, il est de 2,7 % par an, ce qui est nettement excessif. Ce dernier point est à la fois crucial et excessivement délicat : nous ne pouvons plus continuer ainsi, mais comment faire sans heurter les susceptibilités culturelles, spirituelles et communautaires des gens ? Une seule solution : lier la maîtrise de notre croissance démographique et le développement du planning familial à un travail pédagogique quotidien.
Entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, même si aucun d’entre eux n’est vraiment votre tasse de thé, il est clair que votre choix était en faveur du premier. Vous êtes donc satisfait du résultat de l’élection présidentielle congolaise
Je n’ai pas voté, comme vous l’imaginez. Cela dit, j’ai été heureux du résultat, c’est vrai.
Il reste encore environ douze mille opposants rwandais en armes dans l’est de la RD Congo. Constituent-ils toujours une menace pour votre régime ?
Oui et non. Non, parce qu’ils ne sont plus en mesure de nous déstabiliser. Oui, parce que leurs intentions demeurent hostiles. Mais il y a désormais, entre ?le Rwanda et le Congo, une dynamique nouvelle afin ?de résoudre ce problème. Je suis optimiste. Enfin.
Le président somalien vous a rendu visite il y a quelques jours afin de solliciter votre aide. Allez-vous envoyer des troupes à Mogadiscio ?
Nous comptons aider la Somalie en contribuant à la formation de sa police, de son armée et de ses services de sécurité puisque nous avons un savoir-faire reconnu en la matière. Mais envoyer des troupes, non. Nous avons déjà deux mille hommes au Darfour.
Il y a deux Paul Kagamé. Le premier est un homme sérieux, un homme de pouvoir, qui excelle à promouvoir son pays à l’étranger, efficace, fiable, déterminé et volontiers visionnaire quant à l’avenir du Rwanda. Le second dirige d’une main de fer un régime élitiste, ne s’excuse jamais pour ses erreurs, pense développement avant de penser libertés, aime à voir son portrait partout et se rêve en une sorte de Bismarck et de Lee Kwan Yew des Grands Lacs. Lequel est le bon ?
Les deux. Ces deux profils mêlés en font un qui n’est pas loin de la réalité, mais qui n’est pas toute la réalité. Je fais du mieux que je peux pour mon pays dans un contexte régional difficile et dans des circonstances historiques exceptionnelles. J’agis par conviction personnelle, jamais en fonction du jugement des autres. Je suis moi-même, avec ma part de mystère, et ce que l’on dit de moi m’intéresse assez peu. J’aimerais cependant contester un qualificatif dans votre description : celui d’élitiste. C’est vrai, à un moment donné de notre histoire, j’ai pris mes responsabilités. Avec un groupe de militants, nous avons décidé de sauver le Rwanda de la barbarie et de guider le peuple vers un avenir meilleur. Mais cette action n’a pas fait de moi un aristocrate ou un révolutionnaire léniniste. Je viens du peuple, et nul n’est plus proche de moi que le plus ordinaire des Rwandais.

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*Il s’agit des généraux Lafourcade, Hogard, Rosier et du colonel de Saint Quentin, qui ont témoigné par vidéoconférence depuis La Haye. Tous les quatre furent des acteurs de l’opération Turquoise (juin-août 1994).

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