Gabon, l’esprit plastique

Le musée Dapper, à Paris, présente les créations de la plasticienne d’origine gabonaise Myriam Mihindou : des fragments de corps. Le sien…

Publié le 5 février 2007 Lecture : 2 minutes.

Petite, Myriam Mihindou voulait être kinésithérapeute ou masseuse. Elle voulait guérir avec ses mains. Aujourd’hui, à 42 ans, elle sculpte. Sa propre chair. Son propre corps. Enfin, des fragments de corps. Une main, un pied. Elle y plante des aiguilles, les entoure de garrots. L’artiste ne sait pas si elle soigne les autres mais confie : « Au moins je me soigne. » Comment en est-elle arrivée à utiliser sa chair comme matière première ? « À un moment, la sculpture ne me permettait plus d’exprimer ce que j’avais à exprimer. Alors je me suis dit que j’avais besoin de ressentir ma mémoire physiquement. C’est comme ça que ma propre chair est devenue un matériau. Je me suis reliée directement à ma blessure, qui est liée à mon histoire, au fait d’être une femme. Je me suis mise à m’enrubanner, à m’abîmer. »
De ce travail, qui relève de la performance, naissent des photos que leur auteur qualifie de sculptures de chair. Elles sont présentées en préambule de l’exposition « Gabon, présence des esprits » qui se tient jusqu’au 22 juillet 2007 au musée Dapper, à Paris. Plasticienne d’origine gabonaise, comment Myriam Mihindou vit-elle la cohabitation de ses uvres ultracontemporaines avec les traditionnels masques africains ? « Je trouve intéressant de faire le lien entre la tradition et la contemporanéité. Cela permet de déceler et de comprendre les possibles points de jonction. Les artistes contemporains se sont énormément inspirés de l’art africain et j’aimerais que cela soit davantage reconnu », confie-?t-elle le soir du vernissage.
Les masques sacrés présentés dans le cadre de l’exposition ne sont pas sans lui évoquer sa toute première rencontre avec l’art. Elle avait 5 ou 6 ans : « Assister à la sortie des masques à Moabi, dans le village de mon père, me fascinait et me faisait peur en même temps. C’était ma première expérience de l’étrangeté », se souvient-elle. À la même époque, elle-même passait par le dessin lorsqu’elle avait quelque chose à dire à ses parents. Aujourd’hui, elle ne dessine plus mais utilise outre son propre corps, du kaolin, des bandelettes, des aiguilles, du coton pour s’exprimer. Si elle recourt à « des matériaux qui sont liés à une médecine, [c’est parce qu’elle] travaille sur les blessures, pour les exorciser. Tout être en a en lui. Ce sujet m’a amené à faire le choix de matériaux informels », poursuit-elle.
Mais que l’on se rassure, des fleurs aussi viennent parfois animer l’univers clinique de Mihindou : « Lorsque je vivais en Égypte, un milieu très minéral, j’ai éprouvé une carence du végétal. À la même époque, j’ai commencé à m’intéresser à la poésie arabe où l’on parle beaucoup de fleurs. De là, la fleur est devenue appel à l’oxygène mais aussi métaphore du corps féminin. Comme j’étais en pays musulman, je m’interdisais de représenter le corps parce que mon but n’est pas de provoquer mais de comprendre les codes de communication pour m’exprimer et pour que mes interlocuteurs puissent, à leur tour, percevoir et sentir. »

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