Du neuf avec du vieux

Le nouveau gouvernement reste quasiment inchangé. Le pouvoir n’a pas réussi à y attirer l’opposition, bien décidée à passer à l’offensive.

Publié le 5 février 2007 Lecture : 6 minutes.

Attendu avec impatience par les électeurs, le nouveau gouvernement gabonais se révèle finalement beaucoup moins surprenant que prévu. Alors que le président Omar Bongo Ondimba (OBO) s’était déclaré prêt à accepter une éventuelle cohabitation et que le pouvoir semblait multiplier les gestes conciliants en direction des principaux leaders de l’opposition au cours de la campagne, beaucoup d’observateurs du microcosme librevillois annonçaient un coup inédit du chef de l’État. Ils se sont trompés : la nouvelle équipe – toujours emmenée par Jean Eyéghé Ndong – ressemble à s’y méprendre à la précédente. Le Premier ministre, reconduit le 24 janvier, n’a quasiment rien changé au casting savamment élaboré un an plus tôt. L’effectif passe de 49 à 50 membres avec cinq vice-Premiers ministres au lieu de quatre précédemment, le chef de la diplomatie, Jean Ping, bénéficiant de cette promotion. On dénombre également 10 ministres d’État, 19 ministres et 15 ministres délégués. Bref, presque tous les sortants ont été reconduits, et la plupart des postes clés (Affaires étrangères, Économie et Finances, Pétrole, Défense et Intérieur) gardent leur titulaire.
Compte tenu des résultats des élections législatives du 17 décembre dernier, ce statu quo n’a rien d’illogique, dans la mesure où il consacre une victoire sans appel de la mouvance présidentielle. Composé d’une quarantaine de formations, le camp Bongo Ondimba a enlevé 98 des 120 sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale, l’opposition n’en récoltant que 16. Principal pilier du régime, le Parti démocratique gabonais (PDG) détient à lui seul la majorité absolue, avec 81 députés.
Malgré cette omnipotence du PDG, des offres ont tout de même été faites aux deux principaux opposants, Pierre Mamboundou, de l’Union du peuple gabonais (UPG, 8 députés), et Zacharie Myboto, de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD, 4 députés). Mais dès la mi-janvier, tous deux faisaient connaître leur refus d’entrer dans une équipe d’ouverture. « Il n’est pas question de servir de force d’appoint à un parti nettement majoritaire et d’entrer tête baissée au gouvernement pour en partager ensuite le bilan », a expliqué Philippe Tonangoye, l’un des dirigeants de l’UPG, qui ne rejette pas pour autant et définitivement une future collaboration avec le PDG : « Nous gardons la porte ouverte à une telle possibilité, mais sous certaines conditions. » Idem du côté de l’UGDD, l’ex-baron du régime Zacharie Myboto ayant également écarté l’offre du président Bongo Ondimba.
À l’UPG comme à l’UGDD, la tentation de rejoindre l’exécutif a finalement été moins forte que la crainte de voir leur audience se diluer dans les méandres d’un gouvernement « pédégiste ». Mamboundou, surtout, aimerait bien pouvoir afficher sur son CV une expérience dans la gestion des affaires de l’État, afin de se positionner comme une possible solution quand s’ouvrira la succession d’OBO. Il n’entend rien précipiter. D’où sa volonté de ne pas gaspiller le seul capital dont il dispose aujourd’hui : son intransigeance à l’égard du régime. Aussi vaut-il mieux pour lui attendre que survienne une crise pour éventuellement participer à un gouvernement d’union nationale et se poser en recours pour la République en danger.
L’UGDD n’est pas loin de penser la même chose, qui a pu engranger des voix en se présentant comme l’incarnation d’une opposition radicale au système avec lequel son chef Myboto a longtemps collaboré. Pour elle, tout compromis risquerait d’être interprété comme un aveu de faiblesse, voire comme une compromission. Une analyse d’autant plus pertinente qu’avant Mamboundou ou Myboto, ceux qui ont pu céder aux sirènes du palais peuvent aujourd’hui s’en mordre les doigts.
À l’issue des législatives de 2001, OBO avait entrepris d’élargir sa majorité à une grande partie des opposants de l’époque. Dont Paul Mba Abessole, le plus célèbre d’entre eux. Après s’être posé comme alternative au président dès l’adoption de la loi sur le multipartisme, celui qui fut le chef de file de l’opposition durant les années 1990 avait alors accepté le poste de vice-Premier ministre. Aujourd’hui, le chef du Rassemblement pour le Gabon (RPG) joue sa survie politique : il a abandonné la mairie de Libreville en 2003, vient d’être battu aux législatives à Libreville par le Premier ministre S’il garde son portefeuille, il change d’attribution pour se consacrer aux Droits humains ainsi qu’à la Coordination des grands travaux. Et reste désormais directement rattaché à la présidence, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu des relations exécrables qu’il entretient avec Eyéghé Ndong.
Lâché par les siens, l’ex-principal challengeur d’OBO a vu son audience s’éroder dans « l’opposition conviviale ». Et son mouvement, jusque-là second parti politique du pays, est incontestablement en perte de vitesse. Dans son sillage, le professeur Pierre-André Kombila avait bien tenté de rassembler les militants déçus par Mba Abessole en incarnant l’aile dure de l’opposition au régime. Pour finalement décevoir, lui aussi, les plus radicaux. À l’issue de la réélection du chef de l’État en janvier 2006, ce brillant cardiologue a accepté de rejoindre le gouvernement, au poste de ministre d’État chargé de la Formation professionnelle.
On comprend, dans ces conditions, les réticences, tant à l’UPG qu’à l’UGDD, de rallier l’exécutif. Plutôt que de se laisser « abessoliser », Mamboundou et Myboto ont tous deux lancé l’offensive contre la nouvelle équipe, retrouvant leur verve habituelle. Pour le premier, la formation de ce gouvernement « constitue un épiphénomène, pour ne pas dire un non-événement. Et montre bien qu’on fait du surplace. » Quant au second, il dénonce la démesure de l’effectif alors qu’il attendait une équipe resserrée.
L’absence des opposants n’est pas la seule surprise du remaniement. Alors que l’entrée des plus virulents de ces derniers n’était qu’une hypothèse, la redistribution des cartes entre les différents courants du PDG passait pour une certitude. Pourtant, ceux des « pédégistes » les plus menacés gardent leur maroquin : René Ndemezo Obiang (Communication), Paul Toungui (Économie et Finances) et, surtout, André Mba Obame, le ministre de l’Intérieur qui a été accusé en septembre 2006 par une partie de la presse nationale d’avoir proposé de vendre à la Guinée équatoriale l’îlot disputé de Mbanié.
Comme la cuvée du 21 janvier 2006, celle de cette année est assez élargie pour risquer de susciter la réprobation du FMI, toujours très attentif à la maîtrise du train de vie de l’État. Alors que l’on pensait voir l’effectif ministériel se réduire, le nombre de vice-Premiers ministres et de ministres a augmenté. Et ceux qui ont perdu leur maroquin ont été immédiatement recasés à la présidence, ce qui ne saurait contribuer à faire baisser la masse salariale au sommet de l’État. Ainsi, Alice Lamou (Lutte contre le sida) devient secrétaire générale adjointe de la présidence, Francine Méviane (Contrôle d’État et Inspections) est nommée directrice de cabinet adjointe du président de la République, tandis que Jean-Norbert Diramba (Éducation nationale et Enseignement supérieur) devient délégué général adjoint aux Grands Travaux et aux Fêtes tournantes.
De quoi donner du grain à moudre à l’opposition qui vient de retrouver les travées de l’Hémicycle avec un plaisir évident. Dès le 25 janvier, elle a relancé la guérilla parlementaire. Réclamant le poste de troisième vice-président de la nouvelle Assemblée, l’UPG et l’UGDD ont essuyé un refus catégorique de la majorité. Et aussitôt décidé de boycotter la séance. Mais rien n’est joué, dixit Omar Bongo Ondimba, qui laisse entendre que l’opposition devrait être mieux représentée au bureau élu pour la législature qui commence.

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