Burkina Faso : ce que l’on sait des « mutineries » qui ont secoué le pays

Des tirs ont retenti ce dimanche dans plusieurs casernes du pays, alimentant les craintes sur une tentative de déstabilisation, deux semaines après l’arrestation de militaires suspectés de vouloir perpétrer un coup d’État.

Un soldat mutin, près du camp Lamizana, le 23 janvier 2022 à Ouagadougou. © Sophie Garcia/AP/SIPA

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 23 janvier 2022 Lecture : 3 minutes.

Quand les premiers coups de feu ont retenti, au milieu de la nuit, la question a rapidement été dans toutes les têtes – à commencer par celles des tenants du pouvoir : le risque de coup d’État, évoqué à maintes reprises ces dernières semaines, était-il en train de se concrétiser ?

Des tirs au camp Sangoulé Lamizana, le plus grand de Ouagadougou, d’autres à la base aérienne de la capitale, d’autres encore dans un régiment de Kaya, ville du centre-nord du pays… Très vite, une action coordonnée de militaires en colère a commencé à se dessiner, alors que les premières lueurs du jour se levaient ce dimanche 23 janvier.

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Situation sous contrôle

S’agissait-il de mutineries ou d’une tentative de putsch ? Les autorités ont rapidement voulu montrer que la situation était sous contrôle. Dès 8h, le gouvernement publiait un communiqué pour appeler les populations « à rester sereines ». Il y reconnaissait « l’effectivité des tirs dans certaines casernes », mais démentait « les informations véhiculées sur les réseaux sociaux tendant à faire croire à une prise de pouvoir par l’armée ».

Une heure plus tard, alors que des tirs nourris retentissaient toujours au camp Sangoulé Lamizana, qui héberge notamment la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca), c’était au tour du général Barthélémy Simporé, le ministre de la Défense, de prendre la parole à la télévision nationale, laquelle avait basculé en édition spéciale pour l’occasion.

« Aucune institution de la République n’a pour le moment été inquiétée », a-t-il déclaré, ajoutant que les mouvements observés « dans quelques casernes » étaient « localisés, circonscrits », et qu’il était « en train de rentrer en contact avec ceux qui sont à la manœuvre pour comprendre les motivations ».

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Plus d’effectifs et de moyens

Un barrage de contrôle installé par des militaires, à Ouagadougou, le 23 janvier 2022. © Sam Mednick/AP/SIPA

Un barrage de contrôle installé par des militaires, à Ouagadougou, le 23 janvier 2022. © Sam Mednick/AP/SIPA

D’après une source haut placée, le mouvement au camp Lamizana a été mené par dix à vingt militaires, dirigés par un officier. Selon elle, les meneurs dans les autres casernes seraient issus de la même promotion.

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Alors que les tirs devenaient de plus en plus sporadiques, vers la mi-journée, la thèse de la mutinerie a semblé prendre de l’épaisseur. Selon des sources concordantes, les militaires réfractaires réclamaient essentiellement à leur hiérarchie des effectifs et moyens supplémentaires dans la lutte contre les groupes jihadistes, ainsi que la démission de plusieurs hauts gradés ou responsables sécuritaires.

Pas question, en revanche, du départ du président Roch Marc Christian Kaboré, critiqué ces dernières semaines pour sa gestion de la crise sécuritaire qui plombe le pays. « En lieu sûr » toute la journée, selon l’un de ses proches, le chef de l’État s’est contenté d’un tweet en début d’après-midi pour… encourager les Étalons, qui jouaient le soir-même leur huitième de finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN), au Cameroun. Au même moment, des manifestants s’en prenaient au siège ouagalais de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), partiellement incendié et vandalisé.

Ce qui nous interroge, c’est l’aspect coordonné de ces mutineries dans plusieurs casernes du pays

Pour plusieurs fidèles du président, la possibilité que certains aient bien voulu tenter un coup de force ce dimanche ne doit pas être totalement écartée. « Ce qui nous interroge, c’est l’aspect coordonné de ces mutineries dans plusieurs casernes du pays et leur coïncidence avec la manifestation interdite hier à Ouagadougou« , glisse un haut responsable.

Depuis l’attaque d’Inata, le 14 novembre, qui a fait 53 morts et suscité colère et incompréhension dans l’armée, les rumeurs de putsch agitent le pays. Des inquiétudes qui ont pris un peu plus corps depuis l’arrestation, le 10 janvier, du lieutenant-colonel Zoungrana, suspecté d’avoir voulu fomenter un coup d’État, et d’une dizaine d’autres militaires.

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