Spirituels dialogues

L’écrivain camerounais Gaston-Paul Effa explore les similitudes entre les cultures africaines et la culture juive.

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

L’écrivain camerounais Gaston-Paul Effa vient de publier deux livres d’entretien abordant la même thématique : le Juif et l’Africain. C’est d’ailleurs le titre du premier ouvrage, un dialogue avec le philosophe Gabriel Attias, né au Maroc en 1963. Le second est le fruit d’une collaboration avec André Chouraqui : ancien conseiller de David Ben Gourion, vice-maire de Jérusalem, ce natif d’Algérie est poète, essayiste, traducteur de textes sacrés, dont la Bible et le Coran. Ce second ouvrage est intitulé, il fallait l’oser, Le Livre de l’Alliance.
Au-delà du clin d’oeil, ce titre éclaire le projet des deux ouvrages : d’une part, montrer ce qui réunit et sépare le peuple juif et le monde noir ; d’autre part, dire le sacré et les mythes qui en sont à l’origine. Effa, philosophe lui-même, a ainsi mis face à face un peuple et un monde fascinés l’un par l’autre depuis plus de deux mille ans. Si l’on en doutait, il suffirait de revisiter l’histoire des deux peuples à travers des chapitres tragiques comme l’esclavage ou la déportation… Une histoire au cours de laquelle alternent des moments de solidarité et d’affrontement. Ce n’est pas un hasard si les interlocuteurs d’Effa sont nés et ont grandi sur le continent africain. Ce sont des Séfarades qui se souviennent sans doute que Moïse est né en Égypte, et que sa femme, Tsippora, était noire.
Le Juif et l’Africain met en avant les étapes fondamentales de la vie d’un individu, de la naissance à la mort, en passant par des rites comme la circoncision et d’autres modes de transmission et d’acquisition du savoir dans les différentes communautés. Le livre explore notamment la place de la femme et le rôle, essentiel, de la mère dans ces cultures. Ou bien encore la notion d’exil et ses corollaires tels que l’errance et la diaspora. S’établit ainsi un dialogue où chacun des deux auteurs, en réponse à une courte question, tente de décoder sa culture pour l’autre, d’où l’offrande, et de trouver des points de convergence avec celle de son interlocuteur. Le procédé est quelque peu rigide, mais il n’en représente pas moins une bonne synthèse des traditions respectives du peuple juif et du monde africain.
Le Livre de l’Alliance est plus agréable à lire, sans doute parce qu’écrit à partir d’un dialogue vrai, sans présupposés philosophiques. Certes, il questionne les mêmes mythes fondateurs, mais de manière plus spontanée et surtout avec un éclairage contemporain, plus ancré dans le réel. On y passe du coq à l’âne avec intelligence et légèreté. Le lecteur peut entrer et sortir à sa guise avec l’impression de maîtriser lui aussi des millénaires d’histoire et des concepts qui le promènent du sacré au profane, en toute simplicité. « Tuer, voler, c’est bien ou c’est mal ? » demande ainsi Chouraqui à Effa. Et pour illustrer, par exemple, la notion de « racisme » entre Ashkénazes et Séfarades en Israël, le même Chouraqui se contente d’une anecdote personnelle : « Un jour, alors que je venais de publier un livre sur Herzl, Ben Gourion m’a demandé : « Comment as-tu fait pour comprendre Herzl ? » Je lui ai répondu : « Comment as-tu fait pour comprendre Moïse ? » » Herzl étant, bien entendu, ashkénaze, et Moïse séfarade.
Toutefois, cette spontanéité et cette simplicité laissent passer un certain nombre de contrevérités. Ainsi, si Bartolomé de Las Casas, qui a vécu aux XVe et XVIe siècles (et non au XVIIIe) a condamné l’esclavage, il s’agit de celui des Amérindiens. C’est lui qui, en revanche, aurait suggéré à la Couronne espagnole de faire venir des Africains, dépourvus d’âme, comme esclaves aux Amériques. Mis à part ce point précis, on peut se demander comment le vaste continent africain peut être ramassé en un seul ensemble pour être mis en regard avec la culture juive, partie d’un seul et même lieu, et réunie surtout autour d’une même spiritualité.

Le Livre de l’Alliance, de Gaston-Paul Effa et André Chouraqui, éditions Bibliophane-Daniel Radford, 280 pp., 19 euros.
Le Juif et l’Africain. Double offrande, de Gaston-Paul Effa et Gabriel Attias, éditions du Rocher, 180 pp., 18,50 euros.

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