Nouveau départ ?

Le dossier ivoirien n’a pas perturbé le 27 e sommet de l’organisation, à Accra. C’est déjà ça ! Sur les autres sujets, on en reste aux bonnes inten tions.

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 5 minutes.

L’intégration économique sous-régionale piétine et la mise en place de mécanismes de résolution des conflits pourrait être plus rapide. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est-elle enfin résolue à passer à la vitesse supérieure ? C’est en tout cas l’objectif affiché par le 27e sommet des chefs d’État, qui s’est tenu à Accra (Ghana), le 19 décembre. « Le rêve est permis, commente Mohamed Ibn Chambas, le secrétaire exécutif de l’organisation. Le sommet a été l’occasion d’un rapprochement sur l’essentiel. Rarement une rencontre des chefs d’État aura été si détendue et consensuelle. »
Les choses avaient pourtant plutôt mal commencé. Dans son discours inaugural, Olusegun Obasanjo, le président nigérian, n’avait pu s’empêcher d’égratigner son collègue Laurent Gbagbo, assis aux premières loges dans la grande salle du Centre international des conférences. « Des accords ont été signés à Linas-Marcoussis [sur le processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire], mais n’ont pas été respectés, a-t-il regretté. La situation sécuritaire reste lourde de dangers pour la Côte d’Ivoire et de menaces politiques et économiques pour toute la sous-région. »
La sortie avait fait craindre un nouveau clash entre Obasanjo et Gbagbo, comme lors de la rencontre consacrée à la crise ivoirienne, le 11 novembre, dans la capitale ghanéenne. Il n’en a rien été. Un ministre qui a pris part au huis clos des chefs d’État s’en étonne : « Principal sujet politique à l’ordre du jour du sommet, le dossier ivoirien a, contre toute attente, été réglé en une trentaine de minutes. Trois fois plus rapidement que le dossier bissauguinéen. »
Le président ivoirien est en effet apparu sinon conciliant, du moins très disposé à dialoguer. Sans doute avait-il été « préparé » par Alpha Oumar Konaré, le président de la commission de l’Union africaine, avec qui on l’a vu discuter et échanger des rires complices dans le hall du Centre international des conférences. Il avait, il est vrai, toutes les raisons d’être satisfait d’être parvenu à empêcher la venue à Accra des autres acteurs de la crise ivoirienne (notamment Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles), pourtant invités par la CEDEAO.
Devant ses pairs, Gbagbo s’est d’emblée montré optimiste : « Le processus de paix suit normalement son cours. J’espère me rendre à Bouaké avant le 1er janvier pour marquer la fin des hostilités. Des études sont en cours concernant l’application des accords de Marcoussis. Le Conseil des ministres d’hier [18 décembre] a adopté deux projets de loi : l’un sur la réforme foncière, l’autre sur les conditions d’éligibilité du président de la République. Par ailleurs, la levée des barrages est achevée dans l’ensemble du pays. Le 26 décembre, nous nous assurerons qu’il n’existe plus de zone militarisée, après quoi, je proclamerai la fin de la guerre. »
Pour bien marquer sa volonté d’apaisement, le numéro un ivoirien a pris soin de remercier Blaise Compaoré (absent du sommet) et Amadou Toumani Touré, ses homologues burkinabè et malien, pour leur contribution à l’arrestation de plusieurs personnes impliquées dans l’attaque du siège la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à Bouaké. Réaction d’Obasanjo : « Les choses vont bien. Je m’en vais en sachant qu’aujourd’hui je pourrai dormir en paix. » Joignant le geste à la parole, il a aussitôt quitté la salle où se tenait le huis clos.
Ces déclarations empreintes d’espoir ne doivent toutefois pas masquer certaines incertitudes. Gbagbo a, par exemple, soulevé devant ses pairs une question que nombre d’observateurs considèrent comme nouvelle. Selon lui, il est de plus en plus difficile de discuter avec la direction des Forces nouvelles, dans la mesure où celle-ci est le théâtre de luttes de leadership de plus en plus aiguës, notamment entre « le clan Soro » et « le clan IB » [le sergent Ibrahim Coulibaly].
S’agissant de la Côte d’Ivoire, le sommet s’est borné à souhaiter le retour des ministres issus des Forces nouvelles au sein du gouvernement de réconciliation nationale et la transformation rapide de la Mission de la CEDEAO en Côte d’Ivoire (Miceci) en mission onusienne. En revanche, il a pris des mesures concrètes concernant la Guinée- Bissau. Les chefs d’État ont dégagé des pistes en vue d’une réforme de l’armée, notamment la mise à la retraite des généraux les plus âgés afin de réduire les risques de déstabilisation de la transition. Pour le financement de cette dernière, ils ont chargé le Ghanéen John Kufuor, reconduit pour un nouveau mandat à la présidence en exercice de la CEDEAO, d’organiser dans les meilleurs délais une réunion de donateurs.
Au-delà des crises ponctuelles (Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Liberia et Sierra Leone), ce 27e sommet a également permis de « dissiper certains malentendus entre chefs d’État ». L’ambassadeur Falilou Diallo, conseiller spécial du président sénégalais chargé de l’Afrique, s’est ainsi longuement entretenu avec Gnassingbé Eyadéma, le président togolais, alors qu’il est de notoriété publique que les relations entre les deux pays ont beaucoup souffert de la crise ivoirienne.
Le sommet a également permis de réfléchir au « renforcement des capacités et de l’efficacité » de l’organisation sous-régionale. Les pays qui ne l’ont pas encore fait ont été invités de manière « pressante » à ratifier le protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Sur les quinze membres de la communauté, seuls, à ce jour, le Burkina, le Mali et la Sierra Leone s’y sont résolus. Un fonds de la paix a par ailleurs été créé pour financer les actions de maintien de la sécurité dans une sous-région en proie à de multiples conflits. Les États ont été appelés à y verser leurs contributions avant la fin du premier trimestre 2004.
Enfin, la CEDEAO entend s’attaquer durablement à deux autres fléaux sous-régionaux. Conformément aux termes de son moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères, l’organisation a mis en place une cellule chargée de surveiller la circulation de celles-ci. Sur le douloureux problème de la traite des êtres humains, un plan de lutte va être mis en place. Et une attention particulière sera portée à la protection des enfants, plus exposés dans la sous-région que partout ailleurs sur le continent. Carol Bellamy, la directrice de l’Unicef, a été associée aux travaux des ministres des Affaires étrangères et a même été invitée à prononcer un discours lors de l’ouverture du sommet.
Reste la difficile question de la suppression des entraves à la libre- circulation des biens et des personnes au sein d’une communauté de 230 millions d’habitants. Dans le but de « parachever l’intégration sous-régionale », la CEDEAO se propose de « rationaliser le fonctionnement des institutions ». Vaste programme ! On en parlait déjà lors de la création de la CEDEAO, le 27 mai 1977…

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