Les bons comptes font les bons amis

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Le gouvernement angolais a de l’or (noir) entre les mains. Il produit une matière première de haute qualité particulièrement appréciée sur le marché mondial. Il bénéficie de surcroît de réserves pétrolières pour la plupart offshore, une véritable aubaine pour tous les industriels qui redoutent remous sociaux et troubles politiques. Et surtout, le pays n’appartient pas au cartel de l’OPEP, et peut donc être considéré par ses interlocuteurs clés comme commercialement plus souple que d’autres. Mais, grâce aux incroyables bénéfices de la manne pétrolière, ce gouvernement se trouve dans l’obligation d’investir, de reconstruire, bref de panser les plaies encore ouvertes de la guerre civile. Plus de 500 000 morts, 86 000 handicapés à cause des mines terrestres, quatre millions de déplacés, près des trois quarts des Angolais vivant en dessous du seuil de pauvreté, plus de 3 millions de personnes dépendantes de l’aide alimentaire.

La réouverture d’un consulat américain dans la capitale, la disparition de l’Angola de la liste noire des pays africains mal notés par l’administration Bush en matière de droits de l’homme, le fait de ne plus être regardé comme une République bananière… Autant de signes qui ressemblent étrangement à de l’opportunisme mâtiné d’une certaine dose de cynisme de la part des États-Unis, dont une seule compagnie contrôle plus de 50 % de la production pétrolière angolaise. Mais si elles savent garder la tête froide, si elles jouent une partition un ton au-dessus, les autorités de Luanda peuvent se faire mieux entendre sur la scène internationale. En renforçant la coopération Sud-Sud, notamment avec le Brésil, comme l’a confirmé la récente visite du président Lula da Silva. En utilisant sa relative suprématie militaire – Luanda dispose d’un armement plus moderne et plus sophistiqué que Pretoria – comme instrument au service de la paix et comme contrepoids de l’Afrique du Sud dans la sous-région. Ou encore en innovant sur le plan commercial, par exemple grâce à une politique de facilités douanières accordées aux entreprises étrangères prêtes à investir dans le secteur du déminage. Il y a tant à faire dans ce seul domaine.

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On le sait, avec 1 million de dollars, on peut décider d’assainir un quartier ou de construire une maison ! Il existe pourtant une loi établissant que « toute réserve d’hydrocarbures liquides ou gazeux… appartient au peuple angolais, sous la forme de propriété de l’État ». C’est d’ailleurs sur cette base que certaines organisations de la société civile internationale réclament, dans le cas de contrats signés entre un gouvernement et une multinationale, que le concept de « partie concernée » englobe la population du pays dont les ressources sont exploitées. Autrement dit, la société civile devrait pouvoir demander des comptes à son gouvernement sur la gestion de « ses » ressources. S’agit-il ici d’un voeux pieux ? Bien sûr, l’Angola hérite d’une vieille tradition d’opacité des comptes. C’est certain, la Sonangol, compagnie nationale, a dû à plusieurs reprises menacer d’annuler les concessions de sociétés pétrolières soucieuses d’une plus grande transparence(*). Bien entendu, il fut un temps où l’apathie et l’absence de clarification comptable de Total, Chevron et Exxon pouvaient être considérées comme scandaleuses. Mais gageons qu’aujourd’hui les entreprises étrangères comme les politiques angolais ont compris la leçon. En tirant trop sur la corde de la corruption, ils mettent en danger un bien des plus précieux : leur réputation.

* Rapport Global Witness, mars 2002.

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