L’année du quoi ?

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 2 minutes.

Les Chinois donnent des noms de bestiaux aux années qui commencent. Une jolie légende explique cette coutume. Une nuit de nouvel an, l’empereur de Jade convia tous les animaux de la Terre à lui rendre visite, mais seuls douze d’entre eux répondirent à l’appel : le rat, le boeuf, le tigre, le lapin, etc. Pour les remercier, il instaura une année symbolique en l’honneur de chacun d’eux. Il décréta également que chaque nouveau-né hériterait des caractéristiques de l’animal de sa naissance.

Les Marocains, eux, attendent la fin de l’année pour y coller leur label. Seules sont retenues – mystère de la psyché locale – les calamités humaines ou les catastrophes naturelles. C’est ainsi qu’on a eu âam l’boune (l’année du « bon » de rationnement alimentaire) ; âam smida (l’année de la semoule, je ne sais plus pourquoi elle s’appelait ainsi) ; âam boughaba (l’homme de la forêt, une espèce de Robin des Bois qui terrorisait tout le monde) ; âam at-touffiss (l’année du typhus, les pèlerins nés cette année-là devaient avoir des gènes plutôt costauds pour y avoir survécu) ; âam yerni (l’année des tubercules, soit encore des temps de disette et de misère) ; âam bou chakour (l’année de l’homme à la hache, je ne vous dis pas l’horreur). Plus près de nous, il y eut 1981, l’année de la baguette, ou plutôt des martyrs de la baguette (âam chahid koumira) selon la formule cynique de Driss Basri, qui était bien placé pour la baptiser ainsi puisque c’était lui qui avait réprimé les émeutes de la faim qui ensanglantèrent Casablanca cette année-là.

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Ne croyez pas que tout cela, c’est du passé. Il n’y a pas longtemps, alors que je me promenais dans les ruelles d’Essaouira, un paysan s’approcha de moi et me demanda de l’aider à remplir un formulaire.
– Quelle est votre date de naissance ?
– Je suis né, me dit-il fièrement, je suis né, et il bomba le torse, je suis né l’année des sauterelles !
Je traduisis en termes administratifs : 1954. Il avait échappé au typhus, au rationnement alimentaire et à la guerre des Sables.
Tout cela pour lancer un concours exclusif dans ces colonnes. Comment allez-vous, chers lecteurs, nommer l’année 2003 dans vos tablettes personnelles ? Envoyez vos réponses au courrier des lecteurs avant la tombée de la nuit. L’auteur(e) de la réponse la plus originale recevra un bon authentique de l’année du bon, un morceau de la vraie hache de bou chakour et une sauterelle grillée.

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