International Crisis Group : une organisation influente

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

« Quand les gouvernements mis en cause dans nos rapports ne sont pas contents, ils nous le font savoir d’une manière ou d’une autre », explique un responsable régional de l’International Crisis Group (ICG). Ainsi de Charles Taylor, qui a souvent manifesté sa désapprobation vis-à-vis des documents produits sur le Liberia. Ainsi de ces six Ivoiriens qui ont écrit au directeur Afrique de l’ICG, Stephen Ellis, pour dénigrer les 71 pages publiées le 28 novembre sur leur pays. Mais pour le moment, le texte intitulé « Côte d’Ivoire : la guerre n’est pas encore finie » n’a pas suscité de réaction officielle de la part des acteurs mis en cause. Premier rapport de l’ICG exclusivement réservé à la Côte d’Ivoire, il sera suivi d’un deuxième avant juin 2004. « C’est vrai qu’on aurait dû écrire sur ce pays dès 1999, reconnaît Stephen Ellis. Mais, au moment où on a commencé à s’intéresser à l’Afrique de l’Ouest, dans les années 1990, le Liberia et la Sierra Leone étaient les principaux foyers de déstabilisation de la sous-région. La Côte d’Ivoire n’était pas encore dans la situation actuelle. » Depuis un an, l’ICG se concentre sur ce qu’il considère, avec le Burundi et le Soudan, comme le pays africain le plus sensible. Compte tenu de l’influence de cette organisation, l’attention de la communauté internationale pourrait donc se porter de plus en plus sur Abidjan.
Car, depuis quelques années, l’ICG est devenu omniprésent sur la question des conflits. Créé en juillet 1995 au lendemain du génocide rwandais et des affrontements en Bosnie et en Somalie, l’ICG se propose d’alerter la communauté internationale sur les situations de crise et de l’inciter à réagir. Sous l’impulsion de Morton Abramowitz, diplomate américain, de Mark Malloch Brown, à l’époque vice-président de la Banque mondiale et aujourd’hui administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), et de Fred Cuny, l’un des promoteurs les plus convaincus de l’aide humanitaire, disparu en 1995 en Tchétchénie, la fine fleur des diplomates et des fonctionnaires internationaux s’est réunie sous la bannière de l’ICG.
Son conseil d’administration ressemble à un « Who’s Who ? » des relations internationales : y figurent, entre autres, Louise Arbour, l’ancien procureur général du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie ; Zbigniew Brzezinski, ex-conseiller de Kennedy et de Carter ; Cheryl Carolus, ex-secrétaire général de l’ANC ; Wesley Clark, ancien commandant de l’OTAN ; Ellen Johnson Sirleaf (canditate malheureuse à la présidentielle libérienne de juillet 1997), auparavant directrice du bureau Afrique du PNUD ; Christine Ockrent, journaliste et épouse de Bernard Kouchner ; Mohamed Sahnoun, conseiller spécial de Kofi Annan pour l’Afrique ; Salim Ahmed Salim, ex-secrétaire général de l’OUA ; George Soros, l’un des hommes les plus riches de la planète…
Grâce à ce réseau influent, l’ICG a su faire des 317 rapports qu’il a publiés à ce jour (dont 74 sur l’Afrique) des documents de référence sur les zones de guerre. Disponibles sur Internet (www.crisisweb.org), les rapports sont communiqués directement aux décideurs locaux, ainsi que dans les chancelleries occidentales et les organisations internationales. Les plus grands négociateurs font aujourd’hui appel à l’expertise de l’ICG. Nelson Mandela et Pierre Buyoya interrogèrent à plusieurs reprises ces chercheurs pendant les négociations de paix au Burundi. « Votre travail de médiation – comme votre position dominante dans l’alerte et la prévention des conflits – est très important », leur a écrit Kofi Annan en octobre dernier.
Avec un budget de 10 millions de dollars en 2003 et 90 employés, l’organisation fait tourner quatorze bureaux régionaux (dont deux en Afrique – à Freetown et à Nairobi), un siège à Bruxelles et quatre bureaux de liaison (Londres, New York, Washington, Moscou). L’ICG, qui se veut indépendant, est financé à 50 % par des fondations (comme celle de Bill et Melinda Gates, l’Open Society Institute de George Soros, le United States Institute of Peace, ou la Ford Foundation) et à 40 % par des gouvernements (surtout les grands pays occidentaux, mais aussi la Turquie et Taïwan). Les 10 % restants viennent de donateurs particuliers.
Véritable think-tank, l’ICG est à la fois une source d’informations et un lobby puissant. Avec pour seul but affiché : informer. « C’est notre espoir, notamment pour la Côte d’Ivoire, où la situation est explosive », souligne Stephen Ellis. « L’Afrique et les pays francophones sont au courant de ce qui s’y passe. Mais aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, beaucoup de gens ne connaissent même pas l’existence d’un problème ou pensent qu’il est déjà résolu. Fournir une analyse sérieuse, accompagnée de suggestions d’action, c’est toujours mieux que de garder le silence. »

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