Des milliards détournés

Les dirigeants du pays organisent la lutte contre la corruption.

Publié le 5 janvier 2004 Lecture : 2 minutes.

« Le pillage du Kenya a été un exercice collectif entrepris par des personnes de différentes nationalités. Elles ont travaillé ensemble pour voler le peuple kényan. C’est une caste internationale d’escrocs ». Ces mots sont de John Githongo, secrétaire permanent en charge de la bonne gouvernance et de l’éthique, et ancien directeur exécutif de Transparency International Kenya. Ils font suite aux dernières révélations sur la désormais fameuse « affaire Goldenberg » qui a permis, au début des années 1990, à de nombreux officiels haut placés de s’enrichir via des exportations plus ou moins fictives d’or et de diamant. Selon la commission d’enquête secondée par Kroll Inc., un groupe new-yorkais de renseignement privé, au moins 1 milliard de dollars auraient été détournés par des fonctionnaires et des hommes politiques dont certains sont toujours en activité. D’après les enquêteurs de Kroll Inc., cette somme pourrait s’élever à 3 milliards, voire 4 milliards de dollars, soit plus de la moitié de la dette extérieure du Kenya.
Outre l’Equatorial Bank, à Londres, deux établissements suisses (la Citibank et de l’Union bancaire privée) auraient reçu, en octobre 1992, des transferts d’argent liés à la compagnie Goldenberg International. Ces deux banques sont déjà soupçonnées de blanchiment pour le compte de l’ancien dictateur nigérian Sani Abacha. Par ailleurs, les sommes volées auraient permis à certains dirigeants d’acheter deux luxueux hôtels à Londres, de spacieuses villas en Angleterre ainsi que de nombreuses voitures.
Déterminé à lutter contre un mal devenu endémique, le Kenya a été le premier pays à signer la Convention des Nations unies contre la corruption, qui devrait lui permettre de rapatrier les fonds placés illégalement à l’étranger. D’ores et déjà, John Githongo a annoncé qu’il serait bientôt en position de geler certains avoirs. Mais pour le gouvernement arc-en-ciel de Mwai Kibaki, la route est encore longue. Après la purge dans le milieu judiciaire (voir J.A.I. n° 2233), l’Autorité portuaire du Kenya, l’administration des impôts et les services de sécurité devraient faire l’objet d’une attention accrue. Si toutefois la volonté politique est au rendez-vous.
Début décembre, John Githongo a dû faire face à une fronde d’hommes politiques de sa propre majorité qui souhaitaient le voir couper le lien direct qu’il maintient avec le chef de l’État. Preuve s’il en est que « la caste internationale d’escrocs » étend ses ramifications jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir actuel. Reste que le procureur de la République Philip Murgor a déjà rassemblé une équipe de huit procureurs spécialisés dans la lutte contre la corruption. Laquelle devrait s’étoffer de douze nouveaux membres en 2004.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires