Maroc : avec L’mida, Nargisse Benkabbou convertit la médina à la cuisine fusion

« Marrakech, capitale de la gastronomie » (2/6). Dans son restaurant avec vue imprenable sur l’Atlas, la créative blogueuse de « My Moroccan food » mêle les saveurs ancestrales et les influences du monde entier.

La blogueuse Nargisse Benkabbou, à l’origine de la carte du restaurant L’mida © DR

Publié le 22 février 2022 Lecture : 3 minutes.

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Marrakech, capitale de la gastronomie : à la rencontre des grands chefs marocains

Issam Rhachi, Nargisse Benkabbou, Aniss Meski, Erwann Lance, Khouloud Belkahia, Faiçal Zahraoui. À Marrakech, la simple mention de leur nom donne l’eau à la bouche des gastronomes. Rencontre avec la nouvelle génération des grands chefs de la Ville rouge.

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Les toits-terrasses aux vues à couper le souffle et à la décoration travaillée ne cessent de fleurir sur les hauteurs de Marrakech. L’mida est l’un des derniers nés, avec, à la clé, panorama imprenable, zelliges bicolores et ambiance de jardin suspendu… Et à la carte, on déguste quoi ?

Famille d’épicuriens

Salade de betteraves à la fleur d’oranger, burrata et chlada méchouia, poulet à l’abricot et au thym façon teriyaki, coleslaw à la menthe et aux agrumes, poke bowl de dorade à la charmoula aigre douce… Le menu du restaurant laisse à penser qu’on va sauter d’un continent à l’autre (Asie, Europe, Afrique), en gardant toujours un pied au royaume. C’est Nargisse Benkabbou qui en est à l’origine. Un nom qui n’est pas sans évoquer le blog « My Moroccan food », où elle compile ses meilleures recettes.

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La jeune cheffe, dont les parents sont marocains, a grandi en Belgique dans une famille d’épicuriens : « Ma maman était mère au foyer. Elle est passionnée par la cuisine, c’est un véritable cordon bleu ! » sourit-elle. Comme elle avait le mal du pays, les repas lui permettaient de rester en connexion avec sa culture. « Je l’aidais beaucoup à cuisiner. Naturellement, j’ai beaucoup appris d’elle. J’ai plein de gestes, de réflexes de cuisine qui sont les siens », observe Nargisse.

Mais ce goût pour la bonne chère n’était pas censé interférer avec la route professionnelle de l’étudiante d’alors, qui intègre Science Po, obtient un master en gestion publique, puis se spécialise dans le développement et les droits de la femme au Moyen Orient. « Je crois qu’on ne m’a jamais dit que je pouvais choisir la voie de la cuisine parce que ce n’était pas intellectuel. Il y avait cette image implicite de la femme aux fourneaux qui n’est pas forcément valorisante socialement. »

Elle s’en sort bien à l’école, on la pousse « à faire quelque chose avec ça ». Jusqu’à enchaîner quelques boulots « conventionnels » qui la font réfléchir : et si elle concrétisait son rêve de rejoindre l’art de la table ?

« Inventive sans dépasser la limite »

La voilà donc qui s’inscrit à une formation de la Leiths School of Food and Wine de Londres. Ce qu’elle vient y chercher ? Le moyen de « créer de nouveaux plats, en restant en contact avec mes origines, pour ne pas perdre le fil de mon pays, le Maroc, même si je n’y vis pas. » Nargisse s’aperçoit aussi qu’en Angleterre, « le tajine et le houmous, on pense que ça vient du même endroit, de “par là-bas” ! Il n’y a pas cette culture d’immigration comme en France ou en Belgique. »

En 2018, elle publie le livre de recettes Casablanca, et, en 2021 elle est approchée par deux amis qui veulent monter un restaurant à Marrakech

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En marge de son blog, elle anime de nombreux pop-ups culinaires. En 2018, elle publie le livre de recettes Casablanca, et, en 2021 elle est approchée par deux amis qui veulent monter un restaurant à Marrakech, baptisé L’mida. Ils lui demandent de penser la carte, elle accepte. « Ce que j’aime le plus, c’est créer un plat dans ma tête, l’imaginer, trouver le moyen de faire réagir les gens, réfléchir avec les goûts d’aujourd’hui, les relier à la cuisine marocaine… en m’axant toujours sur les produits et les saveurs de mon pays », sourit Nargisse.

Son concept ? Élaborer un menu (avec des plats allant de 90 à 140 dirhams, soit 8 à 13 euros) autour de l’idée d’une cuisine fusion, très en vogue. Son défi : « Parvenir à être inventive sans dépasser la limite qui reviendrait à négliger la cuisine marocaine ». À titre d’exemple, « je ne me risquerais pas à faire un sushi marocain ! » plaisante-t-elle.

Le superbe toit-terrasse de l'établissement. © ABDELAALI AIT KARROUM

Le superbe toit-terrasse de l'établissement. © ABDELAALI AIT KARROUM

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C’est au fil de cette quête que naissent ses « gnocchis berber », qui ont beaucoup de succès au restaurant. « Tout part de l’idée d’un tajine marocain à la tomate et aux œufs, que l’on appelle aussi chakchouka. On lui ajoute parfois des boulettes de kefta. Mais là, on a changé : on met un œuf mollet plutôt que de le casser au plat, on ajoute des gnocchis et on parsème de chapelure », explique-elle.

Le plat fait se rencontrer la douceur du mets italien, la subtilité des épices marocaines contenues dans la sauce, le croquant du pain effrité et le coulant de l’œuf… « Je ne rajouterai rien à cette recette ! » conclut-elle. Ne reste qu’à goûter !

Retrouvez tous les épisodes de notre série « Marrakech, capitale de la gastronomie »

Épisode 1 : Au Douar, Issam Rhachi réinvente la cuisine des campagnes
Épisode 3 : Au Petit Cornichon, Erwann Lance conjugue bistronomie et bonne franquette
Épisode 4 : Le Mouton noir d’Aniss Meski, une cantine entre junk food bien faite et cuisine du marché
Épisode 5 : Maroc : à l’Azalai Urban Souk, Khouloud Belkahia et Faiçal Zahraoui mêlent tradition et modernité

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