Une pause pour la paix

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Hudna signifie « trêve » en arabe. Étalée généralement sur dix ans, elle est considérée dans le droit musulman comme un contrat légitime et contraignant. La hudna va au-delà de la notion occidentale de cessez-le-feu et oblige les parties contractantes à utiliser cette période pour rechercher un règlement pacifique et permanent de leurs différends. Le Coran accorde un grand mérite à de tels efforts destinés à favoriser la compréhension entre les peuples. Alors que la guerre déshumanise l’ennemi et permet de le tuer plus facilement, la hudna fournit l’occasion d’humaniser ses adversaires et de comprendre leur position, dans le but de résoudre le conflit en question, qu’il soit intertribal ou international.

La notion de hudna – une période de non-guerre impliquant le règlement partiel d’un conflit – est étrangère à l’Occident et accueillie avec beaucoup de suspicion. Beaucoup d’Occidentaux avec lesquels j’en ai parlé se demandent comment on peut arrêter la violence sans mettre fin à un conflit.
J’aimerais dire cependant que cette notion n’est pas si étrangère qu’il y paraît. Après tout, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a accepté de mettre fin à sa lutte armée pour libérer l’Irlande du Nord sous gouvernement britannique sans reconnaître pour autant la souveraineté britannique. Les républicains irlandais continuent d’aspirer à une Irlande unie et libérée, mais en utilisant uniquement des moyens pacifiques.

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Si l’on avait contraint l’IRA à renoncer à sa vision d’une Irlande unifiée avant d’engager les négociations, il n’y aurait jamais eu de paix. Pourquoi devrait-on exiger plus des Palestiniens, d’autant que la mentalité de notre peuple ne le permettra jamais ? Quand le Hamas s’engage dans un accord international, il le fait au nom de Dieu et il tiendra ses engagements. Celui-ci a honoré les cessez-le-feu conclus précédemment, puisque les Israéliens le reconnaissent (à contrecur), et j’ai souvent entendu ces mots : « Au moins les gens du Hamas font ce qu’ils disent. » Cette proposition de hudna n’est pas une ruse, comme certains l’affirment, destinée à renforcer notre arsenal militaire, à gagner du temps afin de mieux organiser ou consolider notre mainmise sur l’Autorité palestinienne. De fait, les mouvements fondamentalistes en Algérie, Égypte, Irak, Jordanie, Koweït, Malaisie, Maroc, Turquie et Yémen ont eu recours à des stratégies semblables à la hudna pour éviter d’aggraver un conflit. Le Hamas se comporte tout simplement dans l’honneur et avec une sagesse comparable.

Nous, les Palestiniens, sommes disposés à entrer dans une hudna pour obtenir la fin immédiate de l’occupation et pour initier une période de coexistence pacifique pendant laquelle les deux parties s’abstiendraient de toute forme d’agression militaire ou de provocation. Pendant cette période d’accalmie et de négociations, nous pourrions aborder les questions majeures telles le droit au retour et la libération des prisonniers. Si cela ne débouche pas sur un règlement durable, il reviendra à la future génération de Palestiniens et d’Israéliens de décider si elle veut ou non renouveler la hudna, et rechercher une paix négociée. Peut-être n’existe-t-il pas de solution globale du conflit aujourd’hui, cette semaine, ce mois ni même cette année. Mais un conflit qui dure depuis si longtemps ne saurait être réglé qu’à travers une décennie de coexistence pacifique et de négociations. C’est l’unique alternative raisonnable à la situation actuelle. La hudna mènera à la fin de l’occupation et créera l’espace et le calme nécessaires pour régler toutes les questions en souffrance.

*Ahmed Youssef est conseiller politique du Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh.

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